Maroussia, œuvre ukrainienne de Marko Vovtchok réécrite en France

Qui en France se souvient de Marko Vovtchok ?
En 1871, à Saint-Pétersbourg on peut lire Maroussia, une œuvre engagée condamnant l’occupation russe en Petite Russie (l’Ukraine). (…) L’auteure est Mariya mais son nom d’épouse, Markovitcha, deviendra Marko Vovtchok, lequel lui permet de diffuser ses œuvres dans ce contexte misogyne. La difficulté se double du choix linguistique car pendant sept années elle a vécu à Tchernihiv, puis à Kyїv. Elle rédige donc Maroussia en ukrainien, mais c’est la traduction russe qui rendra le livre populaire. Là débute pourtant l’étrange devenir du roman.

Mariya Markovitcha vient en France (1859 — 1867) ; elle apprend la langue et rencontre Jules Verne et Stahl-Hetzel, l’éditeur de tous les grands noms de la littérature du dix-neuvième siècle. Ici, il faut faire état de la remarquable analyse d’Iryna Dmytrychyn sur le plagiat de Maroussia par Stahl. La traductrice précise que c’est Tourgueniev lui-même qui a présenté l’auteure à l’éditeur mais ce dernier fait l’œuvre sienne en la remaniant. La petite Maroussia reste une fillette ukrainienne, amie des Cosaques qui veulent libérer le pays écartelé entre les emprises polonaises et russes, mais l’histoire française devient une longue fable. Derrière l’Ukraine, il faut lire l’Alsace et la Lorraine envahie par la Prusse ; derrière Maroussia, il faut voir une petite Alsacienne. Iryna Dmytrychyn nous précise que Tourgueniev s’insurge contre ce plagiat. Quelques années plus tard, les rééditions feront amende honorable et Stahl rendra honneur à « Markowovzok ».

Au-delà des polémiques littéraires, Maroussia malgré une langue un peu surannée et mélodramatique est une grande œuvre. Mariya Markovitcha a écrit un récit militant. Certes on a utilisé l’allégorie de la fillette comme œuvre de propagande, mais le fait que ce soit une femme qui mette en avant une enfant qui agit et pense comme une femme est signifiant. On a voulu à tort transformer ce texte en littérature de jeunesse ; les enjeux sont bien plus grands. La dernière gravure de Stahl est intéressante de ce point de vue. La première édition illustrée fait de Maroussia une statue de la liberté, le bras droit levé indiquant la direction du devoir moral.

Femme-personnage comme Maroussia, fille d’Ukraine campée par Marko Vovtchok pour être l’emblème de l’engagement

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