Hommage à Maryse Ricouard

Nous avons appris avec une grande tristesse  le décès de Maryse Ricouard, survenu  après une aggravation brutale de son état de santé.

Maryse et la Maison de la culture du Havre, c’est une longue histoire, celle de toute sa vie adulte . Comme elle le raconte elle-même dans notre ouvrage Culture et démocratie, Une histoire de la MCH : « Je suis rentrée en 76/77 à la M.C.H. et je n’en suis jamais repartie. » Elle était donc une figure marquante et une référence dans cette maison.

Elle y a fait preuve de qualités admirables.

Je me souviens de son sens critique : elle appréciait et jugeait un spectacle, avec rigueur, voire parfois avec sévérité, car elle ne  cédait jamais  aux sirènes du joli, du facile, du « commercial ». Elle l’expliquait par son propre parcours : « Je devais voir des spectacles, être confrontée à la création artistique, surtout le théâtre bien que je n’ai pas de culture littéraire. Avec la danse, il m’a fallu du temps. Mais on ne naît pas avec le gène du spectateur. Il faut une certaine éducation, être spectateur, ça s’apprend, pour moi, comme pour les autres. » Et elle regrettait les glissements du théâtre qu’elle voyait à l’œuvre : « Aujourd’hui on est dans le pur divertissement. Depuis quelques années, on est dans l’évènementiel…. »

Elle avait aussi une intelligence aiguë  des enjeux politiques et sociaux liés à la culture. Son rôle dans la Maison de la culture était bien défini, car il s’inscrivait dans ses missions comme André Malraux l’avait rêvée. Elle avait en charge le public « de l’insertion ».

Elle menait un travail  remarquable auprès des associations, des habitants des « quartiers », rmistes, aide à l’enfance, service jeunesse, instituts médico-pédagogiques et professionnels…

En 2008 par exemple, dans le cadre de projets d’insertion et d’animation de la cité, Maryse Ricouard a organisé 65 tables de lecture (25 pour un public RMI, 40 pour un public des quartiers), autour de 9 textes de théâtre joués sur les plateaux du Volcan. Le projet était financé par des fonds spécifiques Contrat Urbain Cohésion Sociale du Département, complétés par l’État, la Ville,  la CAF, et le fonds social européen. Ce dispositif a permis l’édition de 3000 billets pour tous les spectacles au profit d’habitants en grande difficulté financière.

Les partenaires étaient les équipes d’intervention sociale de la CAF, d’animation de la Ville et de la Mission locale, de la Formation professionnelles des jeunes, d’animation du réseau associatif, les structures de santé et solidarité, les promoteurs d’action RMI, les centres sociaux.

Elle expliquait : « Ce travail en direction des publics éloignés des lieux culturels n’est possible que si les collectivités s’y impliquent. Sans le soutien du Conseil général, et des autres administrations qui ont aussi en charge des populations vulnérables, rien ne peut se faire ! »

Elle savait que c’était un travail de longue haleine : « L’aspect financier est évident mais il n’est pas déterminant. Il y a toutes sortes de passages pour aimer le spectacle.  Amener les gens à comprendre, ça peut être ça aussi le spectacle. Pour s’affranchir des préjugés, on a besoin de temps.  » 

En 2009, le travail avec les populations des quartiers classés en Zone Urbaine sensible, a été abandonné, ces dispositifs ont  disparu, car leur financement n’était plus assuré. L’évolution des budgets pour les publics les plus éloignés des lieux culturels est significative : 2008 : 100 000 €, 2009 : 60 000 €, 2010 : 16 000 €. Le projet « culture et lien social » s’est délité progressivement.

Elle en était découragée et amère : « Ne plus travailler avec des populations fort éloignées de la culture est un énorme gâchis. Ça aide à comprendre un peu mieux le monde dans lequel nous vivons. Cela crée des socles pour mieux réfléchir. »

Elle gardait des souvenirs éblouissants d’auteurs, de comédiens, de metteurs en scène, et de leur rencontre avec un public élargi, de spectateurs bénéficiaires du RMI ici, d’un chantier d’insertion là…

Et nous gardons d’elle le souvenir d’une femme exigeante, curieuse, et ouverte sur toutes sortes d’expériences culturelles qu’elle aimait partager au-delà des publics habitués, avec tous.

Elle rêvait d’une véritable politique de la culture.

Nous lui rendrons hommage mercredi 24 novembre à 18h au funérarium de Bléville et je m’exprimerai en notre nom à tous.

Isabelle Royer, présidente

 

 

 

 

 

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