L’art en expansion

Un mot est apparu dans le vocabulaire culturel. D’abord nous n’y avons pas prêté attention. Il s’est imposé progressivement et maintenant, on ne peut plus y échapper : immersif.

Dans le bain

Ce qu’on appelle aujourd’hui « La culture immersive » évolue très vite dans un environnement de réalité virtuelle, mouvant, coloré, musical, voire odorant, fait de projections, d’hologrammes et d’intelligence artificielle. 
L’art immersif est présenté comme un environnement produisant une correspondance entre l’œuvre et le corps du visiteur, produisant une émergence de sensations spontanées : « Le sujet perméable y découvre des environnements qu’il aura incorporés involontairement et inconsciemment ou qui activeront des effets immersifs, sinon invasifs (…) » – Le manifeste des arts immersifs, Bernard A. & Andrieu B., 2014.

Champ d’expérience

Tel que cette définition le laisse augurer, alors que les expositions numériques se multiplient, le visiteur/spectateur risque d’être en voie de disparition pour devenir demain un corps/sujet, où l’œuvre d’art sera au service d’un procédé déclencheur d’émotions en apportant des expériences nouvelles.

Dans les descriptions de ces manifestations, lues dans les dossiers de presse, la finalité d’une « exposition numérique immersive » n’est pas l’œuvre de l’artiste mais l’effet que produit sur le visiteur immergé, l’interprétation de ce qui est censé être l’expression d’un artiste.
Filtré et mis en scène, l’art pictural théâtralisé par l’immersif, est un spectacle participatif où l’organisateur recherche à créer avant tout un choc émotionnel. Ce qui suggère que nos troubles, nos sensations, ressenties devant l’œuvre originale, devant ce qu’on peut ressentir comme le lien presque charnel avec l’artiste, n’a manifestement pas suffisamment la puissance d’un ensemble de pixels et de symphonies, pour approcher une œuvre.

Art ludique

Sans apporter la liste impressionnante de ces manifestations, il suffit d’évoquer l’exposition immersive Van Gogh qui fait le tour du monde depuis des mois, produite par l’Atelier des Lumières. De même que Cezanne, lumières de Provence, comme un voyage au cœur de la peinture du maître, dans sa lumière, ses couleurs, ses paysages, accompagnés par Mozart, Vivaldi, Rameau…

A Marseille, on peut plonger dans : La Joconde, exposition immersive, présentée par Grand palais immersif , où « une expérience interactive et sensorielle inédite, des projections grand format bougeant au rythme des passages, des procédés interactifs innovants, entraînent le visiteur au cœur de ce portrait mythique ».

Les lieux d’expositions immersives ( environ une quinzaine aujourd’hui, dont Van Gogh, Kandinsky, Cézanne) sont gérés en France et à l’étranger par une société : Culturespaces, dont Le dernier chiffre d’affaires connu avoisine 30 millions d’euros, réalisé sur l’exercice 2020 pendant la pandémie. C’est dire que l’immersif ne va pas disparaître de notre horizon culturel, car il plaît. Enormément. « On pense que, à l’avenir, chaque grande ville possédera son centre d’art numérique » déclare le président de Culturespace. Le même qui dit aussi : « Il reste un carré d’irréductibles, de passéistes qui n’ont pas compris le numérique et les pratiques des nouvelles générations ».

Du trompe-l’œil à l’immersif

On peut préférer se dire qu’il y a plusieurs approches possibles de l’art. Celle-là et l’autre. Ce qui suppose que l’immersif serait une expérience ludique qui permettrait à tous ceux qui ne vont pas dans les musées, de connaître des grands noms de la culture. En pensant qu’ils iront ensuite vers le tableau accroché, statique, qu’ils pourront contempler debout, la vraie peinture avec ses reliefs, mais sans écran…

Des trompe-l’œil baroques qui ornent à Florence les plafonds du Palais Pitti à la fresque de Raoul Dufy « La fée électricité », ce désir de créer des œuvres propres à subjuguer le regardeur et le plonger dans un espace hors du temps n’est pas neuf. De la fascination pour la lanterne magique au plaisir du cinéma, la possibilité de créer l’illusion et des ambiances entre réel et irreél a toujours été liée à des découvertes capables de provoquer des émotions. L’histoire de ces expériences nouvelles prend de l’ampleur ou devient simplement phénomène de l’histoire de l’art et du spectacle.

Catherine Désormière

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