Stéphane Thidet, artiste du contraste
Le silence d’une dune – 2019
A la fin du mois de mai 2017, Le Havre découvrait deux arcs liquides qui se rejoignaient au-dessus du Bassin du Commerce, au Havre, formant un pont aléatoire selon que le vent voulait bien accompagner l’œuvre dont le titre était : Impact. Quel plus juste symbole de la rencontre ? Mais aussi symbole du hasard, lié au souffle qui parcourt la ville. Parfois le passant attend, espère la réunion des deux jets d’eau. Ou bien, il s’immobilise devant les tremblements aquatiques qui font comme un léger rideau, au-delà duquel se dessinent en surimpression les lignes droites du décor urbain. Stéphane Thidet entrait alors dans la ville.
A la même époque, il proposait son exposition Monts et merveilles, au Portique, constituée de deux installations, chacune occupant l’espace d’une pièce. Dans la première, le visiteur se trouvait directement confronté à un amoncellement noir, pyramidal, comme un dépôt de charbon. En y regardant bien, il s’apercevait qu’un seul courant d’air aurait pu en changer l’aspect. Le terril était fait de deux tonnes de confettis dont la fragilité, la légèreté, étaient difficilement décelables au premier abord.
Dans la seconde pièce, on voyait une construction faite d’un assemblage de pièces de bois chevillées entre elles. Objet sans utilité, sauf celui, encore, d’apporter le trouble. En l’entourant de miroirs, l’artiste suggérait l’inatteignable, obligeant le regard à aller d’une image à l’autre, du réel au possible, tout en apercevant au passage sa propre silhouette. Entre expectative et ajustements, Stéphane Thidet met en scène le déséquilibre, et ainsi offre le plaisir fugace d’atteindre un instant ce qui ressemble à l’accompli.
2019. Stéphane Thidet est à Lyon.
La 15e Biennale de Lyon qui fermera ses portes le 5 janvier 2020, s’est installée dans plusieurs lieux de la ville. Dans le Musée d’Art Moderne, à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne et d’autres endroits dont la friche des usines Fagor, qui accueille une cinquantaine d’artistes, sur près de 3 hectares, principal rendez-vous de la Biennale.
C’est donc dans cette architecture industrielle, dépouillée, aux espaces gigantesques, que l’imaginaire artistique a pu s’étendre, prendre toute la place nécessaire pour créer les mises en scène de la société, de fragments du monde, de rêves de mondes.
A Lyon, Stéphane Thidet a créé un décor grandeur nature : Le silence d’une dune. Sous l’immense halle, dans un angle, il a installé un monticule irrégulier, recouvert de ce qui ressemble à la neige. Ce paysage plutôt désolé est marqué d’une unique trace noire qui forme un large cercle, celui du parcours d’une moto que l’on voit, assez éloignée, à l’arrêt, comme abandonnée. Pourtant, aucun indice du motocycliste, aucune empreinte sur la surface blanche figée. Cette image impossible évoque la perte, le froid, peut-être même l’inaccessible. C’est l’illusion d’une étendue de nature vierge entamée par la machine, opposée à l’absence de l’être humain qui semble s’être évaporé.
Stéphane Thidet fabrique un monde étrange, il suggère de surprenantes relations entre réalité et fiction. En créant des tableaux qui, à première vue, ont l’air banals, il opère un décalage qui déconcerte le spectateur. Il provoque un trouble et c’est dans ce trouble que se trouve sa poésie. Il se sert d’éléments simples, il les associe, les rapproche, invente le début d’une situation et regarde avec nous la suite de l’histoire.
+ A propos de : Le silence d’une dune
+ dans 10mn chronique du 1er décembre 2019, sur Ouest-track radio dans Viva culture, l’émission de la MCH
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