La SF cyberpunk – William Gibson
En 1984, paraissait un roman de science fiction différent de tout ce qu’on avait déjà lu dans ce genre. Un récit foisonnant, où réalité et réalité virtuelle se mêlaient. L’auteur c’était William Gibson, américain, né en 1948 à Conway en Caroline du Sud et vivant au Canada depuis 1968. Le titre du livre : Neuromancien. Gibson inventait le terme cyberespace et le mouvement cyberpunk était né.
L’auteur lançait son personnage, Case, un jeune homme de 24 ans, hacker déchu, dans une aventure au cœur de la matrice dont il donnait ainsi la définition :
La matrice est la représentation graphique de données extraites des mémoires de tous les ordinateurs du système humain.
Case est un marginal qui évolue dans le milieu décadent d’une zone urbaine, là où règne un environnement trouble de trafics petits et grands. Il ne se sent vivant que lorsqu’il circule à travers les champs de données de la matrice. L’idée d’avenir, de futur, n’existe pas pour lui. Seul le présent a de l’importance. Cablé, connecté, passant au travers des verrous informatiques, grâce à des virus et des codes craqués, flottant à l’intérieur d’une complexité familière, il vibre, il vit.
Il filait droit à la console, sans même prendre la peine de s’habiller, et se branchait.Il tranchait; Coupait. Bossait. il perdait le fil des jours.
Mais dès les premières lignes du livre, on comprend qu’il a tout perdu. Ses facultés neurologiques, qui faisaient de lui un hacker de haut vol, ont été grillées.
Entre errance et sommeil, Case survit dans Chiva, ville à l’atmosphère délétère où, semble-t-il, il ne fait jamais jour, saturée de fumée, de pollution, éclairée seulement par les néons des publicités et les enseignes holographiques.
Bien sûr, il n’y aurait pas d’histoire si un personnage n’apparaissait brusquement pour proposer à Case un marché qu’il ne peut pas refuser : lui rendre ses facultés détruites.
Et si je vous disais qu’on peut corriger vos dégâts neurologiques Case ?
Evidemment il y a une contrepartie. Case redevenu le génial pirate informatique qu’il était, va devoir accomplir un travail : craquer les archives de Senso-Rezo.
Molly apparaît, elle sera la partenaire de Case, libre, déterminée, entraînée au combat. C’est elle qui va s’introduire dans les labyrinthiques locaux de l’immense réserve de mémoire de Senso-Rezo. Elle sera en interface avec Case, lui connecté à elle grâce à un Simstin, un enregistreur d’expériences sensorielles. Devenu elle en lui, il peut voir tout ce qu’elle-même voit dans le dédale de la bibliothèque Senso-Rezo. Il débloque à distance toutes les commandes des portes pour que Molly puisse récupérer un objet, une boîte noire, un construct. encore appelé : matrice de personnalité à mémoire morte.
Le virus de Case avait percé une fenêtre dans la glace de protection de la commande de la librairie. il se coula à l’intérieur pour découvrir une infinité d’espace bleu rempli de sphères aux couleurs codées tendues sur une fine grille de néon bleu pâle. Dans le non espace de la matrice, l’intérieur de tout édifice de données possédait une dimension subjective illimitée (…) Case se mit à introduire au clavier la séquence (…) Il se mit à glisser à travers les sphères comme sur des rails invisibles.
Ce que contient la boîte noire, le construct, ce sont les données enregistrées complètes de la mémoire d’un grand hacker, cliniquement mort, McCoy Pauley, encore appelé le Lazare du cyberespace, ou Trait-plat, parce que encéphalogramme plat.
Case va pouvoir entrer en contact avec lui :
Il alluma le tenseur. le cercle de lumière nette tomba directement sur le construct. Il connecta le construct et se brancha.
Mc Coy ? c’est toi mec ?
Il avait la gorge serrée
Eh frangin, dit une voix venue de nulle part.
A ce point du récit, on est à peine à la centième page , il en reste 300 pour découvrir qui est le Neuromancien.
Voici ce que l’on peut lire sur la page Neuromancer, en ligne et en anglais :
Neuromancer a été le premier aperçu pleinement réalisé de l’avenir numérique de l’humanité – une vision choc qui a remis en question nos hypothèses sur la technologie et nous-mêmes, et qui a réinventé notre façon de parler et de penser, et changé à jamais le paysage de notre imagination.
Ce roman, Neuromancien, paraissait avant ce que l’on a appelé l’ère internet. On n’abordait le sujet que sous le terme de cybernétique, les jeux sur console connaissaient, essentiellement chez les adolescents, un succès grandissant. C’était aussi le début des années de désenchantement. Dès 1977, les punks clamaient : no future. La science fiction « classique », avec Neuromancien, semblait brusquement dépassée. Ce récit, entre connection cérébrale, hypnagogie, apparitions d’hologrammes, et aussi, réalité – mais finalement qu’est-ce que la réalité ? – était électrisant et fascinant. Il y avait là, et pas seulement pour le lecteur mais aussi pour les personnages, un mélange d’interférences de rêves, d’univers parallèles et de cyberculture, où finalement était démontrée l’interaction permanente de nos pensées, émotions, avec le monde, dans notre présent. Et y-a-t-il quelque chose de plus vrai que le présent ?
Ironie des temps, aujourd’hui, William Gibson lui-même, estime que Neuromancien est démodé. Cette littérature est dépassée. Par quoi ? Notre présent. Le dernier livre de William Gibson, paru en français, en 2020, s’intitule Périphéries. J’en parlerai une autre fois.
A consulter : De Neuromancien à Matrix, les particularités de l’esthétique cybernétique
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