Des nouvelles de Castelluci

Selon Romeo Castellucci, les frises du Parthénon (Le Metope del Partenone) ne représentent rien d’autre que « des batailles pour la vie »

Fabienne Darge dans le Monde, évoque  » la question de l’image et de son « obscénité », au sens étymologique du terme, qui est au cœur de tout le théâtre de Romeo Castellucci, un théâtre qui plonge dans les racines de la condition tragique de l’homme moderne, laquelle, selon l’artiste italien, réside justement dans cette condition de spectateur. »

 » L’artiste italien, grand invité du Festival d’automne, présente, parallèlement à Odipus der Tyran au Théâtre de la Ville, un spectacle-performance sous la Grande Halle de La Villette, Le Metope del Partenone, dont les images chocs évoquent celles qui nous hantent depuis le 13 novembre : corps blessés, entre la vie et la mort, entourés d’équipes de secours.

Dans Le Metope del Partenone (« les frises du Parthénon ») se succèdent six tableaux qui mettent en scène, de manière hyperréaliste, des variations de l’accident ou de la catastrophe. Corps meurtris, brûlés, estropiés, corps hagards sous leurs couvertures de survie, corps hurlants, corps morts recouverts d’un drap blanc. Sirènes des ambulances. Gestes précis et répétitifs des secouristes.

Romeo Castellucci, pourtant, a conçu et créé cette performance, déjà présentée ailleurs en Europe, bien avant les attentats. Le Festival d’automne, la Grande Halle de La Villette et l’artiste italien lui-même se sont bien évidemment demandé s’il était opportun de la jouer cette semaine, comme prévu, dans un tel contexte. Ils ont répondu oui, et ils ont eu raison, même si le spectacle peut légitimement bouleverser certains spectateurs, qui éclatent en sanglots ou partent.

Pertinent et percutant

Romeo Castellucci est d’ailleurs venu s’en expliquer, le 23 novembre au soir(…) Expliquer pourquoi il fallait être là, malgré tout, avec ces « images difficiles à supporter, obscènes dans leur exactitude inconsciente ». Car c’est bien là-dessus que le spectacle est pertinent et percutant….

Le Metope del Partenone n’est donc pas un spectacle voyeuriste, mais un spectacle qui questionne ce voyeurisme dans lequel nous baignons tous. Le dispositif en atteste, qui nous installe en position de voyeurs, dans le vaste espace de La Villette où, debout, nous devons plus ou moins jouer des coudes pour voir les scènes d’horreur.

Mais tout est évidemment ici dans la fabrication à vue de ces images, qui les désacralise. Et dans leur relation avec les énigmes qui accompagnent chaque tableau. On a peut-être un peu trop oublié que les images sont des énigmes bien plus complexes que ne laisserait croire leur transparence apparente, semble nous dire Romeo Castellucci. A la fin, deux voiturettes aspirantes viennent nettoyer tout ce sang, tous ces restes de chair humaine. La vie continue. Qu’avons-nous vu ? »

  • Fabienne Darge
    Journaliste au Monde

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/scenes/article/2015/11/25/castellucci-de-sang-et-d-os_4816842_1654999.html#rlTlZxAipidKSXaH.99

 
Dans Libération, Clémentine Gallot explique :
 
« Le dispositif place l’assistance debout en position de voyeurs impuissants. Déconseillé aux moins de 16 ans, ce memento mori aux allures de thérapie collective provoque départs et sanglots. La réussite du projet tient à la manière dont le plasticien ordonne sans afféteries cette déflagration sensorielle, celle-ci remplaçant ses habituelles visions hallucinées dans des formats monumentaux : malaisante, l’expérience n’en est pas pour autant malsaine. Entre accablement et anesthésie, ce macabre spectacle remplit pleinement sa fonction cathartique »

Comments

  • By Isabelle Royer - on

    https://lcc.revues.org/500
    « Dans le paysage théâtral contemporain, les pièces du metteur en scène italien Romeo Castellucci sont souvent considérées par le public comme provocatrices, par leur forme et leur contenu. Nous prendrons pour exemple son spectacle créé et présenté au festival d’Avignon 2011 intitulé Sul concetto di volto nel figlio di Dio qui a déclenché, plus que tout autre, des bagarres de spectateurs indignés en Avignon, jusqu’à la prise d’assaut par des intégristes catholiques qui ont réclamé son interdiction. Pourtant, nous constatons chez l’artiste le refus d’une véritable intention de provoquer, mais plutôt, la recherche d’une forme de représentation qui puisse renouveler le langage théâtral et mettre en question le regard du spectateur. Nous pouvons alors questionner la portée politique de ces images scéniques « iconoclastes » qui ont entraîné, par leur force transgressive voire régressive, une certaine polémique et peut-être même un malentendu interprétatif.
    Dans le théâtre plastique de Romeo Castellucci, Ce n’est pas le texte qui fait œuvre théâtrale, mais bien l’ensemble du spectacle, incluant sa partie visible, et même olfactive. Situé au même niveau que les autres matériaux, le texte dit par les comédiens n’occupe pas une place centrale dans l’oeuvre (…)C’est donc un théâtre qui s’adresse plus aux sens qu’à la pensée logique rattachée à la tradition littéraire que Castellucci, formé à l’école des Beaux-arts, nous propose. »

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