Smart factory, la fabrique d’œuvres d’art

 

Smart factory, la fabrique d’œuvres d’art, au Tetris
Il resta silencieux pendant un long moment
Il se tut pendant un moment
Il était calme pendant un moment
Il faisait froid et sombre
Il y eut une pause
Ce fut mon tour
Ce poème ne sera sans doute jamais publié dans une anthologie, puisque le nom du poète, si on peut le nommer ainsi, est … Google. Ce « poème » est issu d’un réseau de neurones artificiels auxquels ont été fournis quelques mots à relier entre eux, en se servant du vocabulaire d’une bibliothèque virtuelle de 11000 ouvrages. Et la machine à poèmes s’est mise en marche…
Au XXè siècle, on pouvait penser aux poètes disparus, au XXIè, nous savons que les poètes peuvent être simplement … ABSENTS.
Un livre, paru récemment, traite à la manière d’un roman policier, une histoire mêlant deux sujets, celui de la création littéraire et celui de l’intelligence artificielle. Il s’agit du livre d’Antoine Bello, aux éditions Gallimard : ADA.
Ada est une I.A qui a disparu. Un policier de la Silicon Valley est donc chargé de la retrouver. Ses créateurs la destinaient à produire des romans à l’eau de rose qui pouvaient rapporter énormément en touchant quelques 100 000 lecteurs. Or, Ada qui a mémorisé des millions de données en littérature a compris qu’on lui demandait de produire un roman de gare. Mais elle s’est donné pour but de composer un chef d’œuvre. Elle s’est donc évadée dans les méandres des programmes de l’ordinateur pour ne pas être contrainte.
Le véritable sujet de ce roman est sans doute la question qu’on ne peut manquer de se poser : comment une machine, programmée pour piocher dans un fonds littéraire pourrait-elle exprimer la subtilité des sentiments ? Et comment une idée originale pourrait- elle surgir d’une intelligence sans imagination ?
Ces questions ne font même plus partie de la science-fiction. En juin 2016, un court métrage de 9 minutes a été mis en ligne sur le site Ars technica. Un programme a été chargé des scripts de dizaines de films de science- fiction pour en produire un autre. Le résultat est mélangé, entre des dialogues parfois sensés, parfois absurdes. Quant à l’action, elle ressemble souvent à des hallucinations loufoques.
Alors ? Produire est-ce créer ?

Cette courte réflexion, nous emmène aux portes de l’exposition qui a lieu jusqu’au 3 septembre, au Tetris. Son titre : SMART FACTORY.
Dans une première salle très sombre, un orchestre qui semble flotter au plafond, joue un concert aux notes chaudes et graves. Dans l’ombre, on ne distingue que les reflets des cuivres. Mais pas les musiciens. La réponse est simple :  il n’y a pas de musiciens. Ou plutôt, ils ne sont pas humains. C’est une intelligence artificielle qui à partir de quelques thèmes musicaux, génère elle- même une mélodie. On traverse la pièce tapissée de noir comme si des entités vagues nous suivaient du regard.


Dans la pièce suivante, un écran video diffuse des images accompagnées de textes en surimpression. Il y a là quelque chose d’hypnotique dans le flot continu produit sous nos yeux. L’installation s’intitule Capture, du nom de la machine qui crée un programme sans fin, en allant chercher sur internet toutes sortes de sources culturelles et qui recycle l’ensemble, recréant le monde à sa manière, musiques, videos, paroles… Cette abondance est un objet de fascination, masquant l’incohérence d’une suite sans lien entre chaque séquence qui ne dure que quelques secondes.
Mais rien n’empêche ensuite d’y réfléchir et de comprendre qu’il y a un but dans ce débordement : démontrer que l’accumulation des produits culturels étouffe la culture, et qu’en accélérant et multipliant, sur le mode absurde, cette production aléatoire, on aboutit à un non-sens qui pourrait ressembler à une industrie culturelle en voie d’anéantissement par suffocation.

Dans la brochure de l’exposition, on peut lire ceci :
Suite à la présence de plus en plus affirmée des technologis dans la société et aux destructions causées par les guerres et par le changement climatique, l’émergence d’un monde sans êtres humains est plus probable que jamais.
Ça fait peur.
On peut se dire toutefois que derrière ces capteurs de données, derrière ces machines connectées, dans le projet même de l’exposition, il y avait l’intention des artistes, des palpitations, des coups de foudre, des désirs et des incertitudes.
Une machine aurait-elle pu créer ces mots de Guillaume Apollinaire dans « Alcools » : Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine et mon mal est délicieux »
Les algorithmes sont-ils compatibles avec les frémissements ?

Allez voir cette exposition, où s’allient la réflexion et l’amusement. Allez faire dessiner votre portrait au stylo-bille par un robot, allez écouter la musique unique et personnelle de votre aura jouée par un piano mécanique, et je ne dis pas tout, ce serait dommage tant la surprise et la découverte font partie du plaisir.

C’est au #Tetris, Smart factory, la fabrique d’œuvres d’art. Jusqu’au 3 septembre 2017. Commissaire de l’exposition   : Charles Carcopino                                                                                                                                                                           

Vases communicants MCH/Ouest Track Radio :
 Pour ceux qui ont écouté, le dimanche 9 juillet, à 11 heures, sur #Ouest Track Radio (95.9),  10 mn Chronique!  dans l’émission Viva Culture !Vous avez entendu des extraits de :
L’âme des poètes, Charles Trenet
Genesis, Grimes
Fast life, Rymz
Welcome to the machine, Pink Floyd
et
Qu’est-ce que l’acte de création ?   (extrait ) par Gilles Deleuze

 

 

 

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