Shakespeare, auteur du 21ème siècle !

Dans le journal Le Monde, Aureliano Tonet analyse l’actualité de Shakespeare.

« De tous les dramaturges, le bon vieux William Shakespeare reste le plus « bankable ». Jugez plutôt : l’auteur de La Tempête figure au programme de tous les festivals majeurs de l’année écoulée – même les intermittents, pourtant spécialistes en matière de perturbations, n’ont jamais soufflé sur autant de manifestations d’affilée. Le Macbeth mis en scène par Brett Bailey fut l’un des temps forts du Festival d’Automne à Paris, à 2014 ; le même Macbeth, cette fois adapté par Justin Kurzel, figurait en compétition à Cannes, en mai ; le Songe d’une nuit d’été, monté par Tim Robbins, ouvrait en juin les Nuits de Fourvière, à Lyon, avant d’offrir au festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence l’un de ses sommets, dans la version de Benjamin Britten et Robert Carsen ; quant à Avignon, ce fut un tsunami, du Roi Lear renversé d’Olivier Py au Richard III renversant de Thomas Ostermeier, en passant par les irréversibles Antoine et Cléopâtre de Tiago Rodrigues – l’exposition consacrée à Patrice Chéreau par la collection Lambert, dans la Cité des papes, allait jusqu’à proposer une salle entière aux rapports entre Shakespeare et le défunt metteur en scène.
L’emballement déborde, du reste, le strict cadre festivalier. Cet été, les célèbres adaptations réalisées par Orson Welles – Macbeth, Othello, Falstaff – sont opportunément ressorties en salles et sur DVD ; et l’on ne compte plus les parallèles opérés par de jeunes metteurs en scène, de David Bobée à Thomas Jolly, entre les récits shakespeariens et les feuilletons télévisés les plus en vue, de « Game of Thrones » à « Mad Men ».
L’auteur de Comme il vous plaira plaît, donc, plus que jamais : « Why, what’s the matter ? », pourrait-on le paraphraser. Les plus pragmatiques se raccrochent au calendrier : on célébrait, en 2014, le 500e anniversaire de sa naissance, on commémorera, en 2016, le 450e anniversaire de sa mort, et Dieu sait à quel point notre culture marchande raffole de ces piqûres de rappel. Mais c’est oublier combien la vie du barde de Stratford-upon-Avon reste nébuleuse – les biographes se contredisent, qui sur l’année où il aurait vu le jour, qui sur les circonstances de son décès, qui sur la paternité même de ses œuvres.
Hypothèse plus probante : Shakespeare serait le premier auteur « global ». Toutes les passions humaines, toutes les situations, tous les genres dramatiques figureraient dans son corpus – une universalité d’autant mieux propagée que la langue de Shakespeare est aussi celle, depuis quelques décennies, de la mondialisation.
On le sait, les sphères hypnotisent par leur capacité à tourner sur elles-mêmes. Voilà peut-être ce qui, chez le fondateur du théâtre du Globe, fascine tant à la ronde : son théâtre n’est fait que de cercles, vicieux ou vertueux, de récits en spirales, de girations exponentielles et haletantes. Toupie or not toupie : d’une pièce à l’autre, le meurtre appelle le meurtre, le mensonge appelle le mensonge, l’amour appelle l’amour, et ainsi de suite – tant et si bien que, vertige des vertiges, Shakespeare appelle Shakespeare. »
tonet@lemonde.fr
• Aureliano Tonet
Journaliste au Monde

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