« Les Maisons de la culture : des jardins de beauté »

« Nous avons appris que c’était une vieille idée de Malraux, celle des maisons de la culture, qu’il voulait ­appliquer à toutes les villes de France. Une maison où les gens se retrouvent, partagent le plaisir du savoir autour de la lecture, de l’art, de la musique, du cinéma. J’appellerais cela les jardins de beauté ; la beauté intellectuelle, la beauté de l’esprit. C’est une très belle idée. Le programme de Beaubourg était le reflet de cela. »

Né en 1937 à Gênes, en Italie, l’architecte Ren­zo Piano a conçu le Centre Pompidou avec le Britannique Richard Rogers. Choisis en 1971 parmi 681 candidats, les deux hommes ont réalisé une sorte d’antimonument à la gloire de la culture pour tous. Résolument novatrice avec ses plateaux modulables et sa structure qui laisse apparaître son ­ossature faite de poutres et de ­poteaux, la « machine urbaine » installée au cœur de Paris n’a pas été, à ses débuts, sans susciter de vives critiques. Avec plus de cent millions de visiteurs depuis son ouverture au public le 31 janvier 1977, ses détracteurs se sont tus depuis longtemps.(…)

Comment est née votre association avec Richard Rogers ?

Nous avons créé à Londres, en 1969, l’agence Piano-Rogers. A l’époque, je faisais des expériences plutôt que des bâtiments. Le mouvement Archigram de Cedric Price, le rêve de la flexibilité comme qualité éthique et morale de l’architecture, la capacité d’un bâtiment à servir, à être ouvert à toute transformation, c’était quelque chose que Richard possédait très profondément. Moi, j’étais plutôt le bricoleur, celui qui faisait en sorte que les pièces tiennent. (…)

Pourquoi s’être engagé dans le concours du futur ­Centre Pompidou ?

Nous étions de jeunes trentenaires, nous avons été poussés par l’innocence de cet âge. Nous avons fait ce concours parce que Jean Prouvé était le président du jury. Jean Prouvé, c’était notre modèle. Un bâtisseur, un architecte – bien que n’en ayant pas suivi la formation –, un homme qui avait l’éthique du métier. Il avait réalisé des projets pour l’abbé Pierre. La technique ne servait pour lui qu’à rendre le monde meilleur. C’est un peu utopique, mais c’est l’âme du métier. Il y avait aussi dans le jury les architectes Philip Johnson et Oscar Niemeyer, ainsi que Willem Sandberg, le directeur du Stedelijk Museum d’Amsterdam, qui était à l’époque un exemple de liberté et d’accessibilité, un espace ouvert.

Le programme de Beaubourg était-il contraignant ?

La vérité est que nous avons d’abord été méfiants vis-à-vis de ce projet. Nous étions jeunes, légèrement mal élevés et porteurs de désirs exagérés. C’était pour nous un projet d’Etat avec une certaine rhétorique. Nous avions peur que ce soit l’expression d’un pouvoir. Nous nous disions en même temps que si l’on veut faire un projet rhétorique, on ne fait pas appel à Jean Prouvé pour présider le jury. Après avoir regardé de plus près le programme, on s’est dit que c’était très intéressant.

Nous avons appris que c’était une vieille idée de Malraux, celle des maisons de la culture, qu’il voulait ­appliquer à toutes les villes de France. Une maison où les gens se retrouvent, partagent le plaisir du savoir autour de la lecture, de l’art, de la musique, du cinéma. J’appellerais cela les jardins de beauté ; la beauté intellectuelle, la beauté de l’esprit. C’est une très belle idée. Le programme de Beaubourg était le reflet de cela.

Le concours a été lancé en 1971, trois ans seulement après Mai 68. Nous avons compris que, derrière un tel programme, il y avait le début d’une idée assez révolutionnaire. Nous l’avons interprété de manière ­assez exagérée, voire extrême. Notre projet était un peu fou, mais le programme l’était déjà.(…)

Avez-vous été affecté par les critiques ?

 

Oui et non. Il faut être cynique pour ne pas en être affecté. On est touché, mais, en même temps, on est têtu. L’entêtement a quelque chose de sublime. Ça n’est pas un entêtement artistique, mais qui a à voir avec la société, avec le monde. Nous avions conscience de faire quelque chose de bon. Richard et moi, on a grandi avec ce plaisir de mesurer la ville, de regarder les gens, de parler aux hommes. Nous faisions des lieux dans lesquels on célèbre une liturgie de la tolérance, du partage. Lorsque vous êtes convaincu de cela, les critiques deviennent très gênantes. On ne fait pas des choses différentes pour le plaisir d’être différent. Notre métier, c’est de construire les changements du monde. On n’a pas changé le monde avec Beaubourg, mais le monde des musées était en train de changer. Quand vous construisez ce monument charnière, vous ne pouvez pas vous attendre à ce que tout le monde applaudisse.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/architecture/article/2017/01/20/renzo-piano-je-suis-le-quasimodo-de-beaubourg_5066245_1809550.html#aqyyvEpglu4pGmWb.99

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