« Le début de quelque chose », mis en scène par Myriam Marzouki

Myriam Marzouki en parle…

Lycée Mistral à Avignon – juillet 2013

Myriam Merzouki a mis en scène « Le début de quelque chose » d’après le roman de Hugues Jallon comme un théâtre d’ombres.

Le prologue nous plonge d’emblée dans la violence : récit effroyable
d’une chasse d’un troupeau de sangliers se précipitant dans la mer, musique contemporaine forte renvoyant à un monde extérieur brutal. Montage « cut ».

Myriam Merzouki  choisit alors de nous montrer des touristes futiles, occupés à des jeux comme on les imagine dans un club de vacances.  Le texte nous met successivement en présence de deux manageurs manipulateurs et mercantiles et d’une bande de personnages avides de farniente, venus se reposer, oublier le monde. Tout est blanc, chaises-longues, costumes, murs… Seuls les verres – et c’est une trouvaille – sont remplis d’un liquide bleu qui instille le trouble. Cette ambiguïté est bienvenue.

Sont-ils des touristes à la recherche d’un Eden ensoleillé ?
Les stagiaires d’un séminaire d’entreprise ? Des malades dans un
hôpital psychiatrique ? De riches propriétaires protégés dans un domaine clos ? Est-ce pour eux le « début de quelque chose » ? De quoi ? D’une autre vie ? Mais le « rêve » devient à leur insu cauchemar, comme le souligne Myriam Marzouki elle-même. La vacuité de leurs jours et la nonchalance élevée en art de vivre éloignent rapidement de nous ces personnages, dont on ne connait pas grand-chose, à part leur désir de vide travesti en règle de bonheur.

On voit bien ce qui a plu à la metteure en scène franco-tunisienne : l’opposition radicale, et coupable, peut-être entre le nord et le sud de la Méditerranée. Le parti pris est de nous montrer des « représentants » du Nord et d’évoquer par des mots et des images, le Sud. Mais son « Occident » est très sommairement évoqué, riche et superficiel : Occident malade, décérébré, tenu à l’écart de tout, niché au centre d’un pays anonyme sans doute dictatorial, secoué par des émeutes, une insurrection, une révolution. N’est-ce pas pour ces habitants-là, le
« début de quelque chose » ?

Mais fallait-il réduire les personnages européens à des fantômes infantiles dans lesquels on a du mal à se reconnaître ? Leur jeu, la teneure de leurs échanges, tout semble « faux », ou du moins léger. Parallèlement à ce « néant », leur environnement se remplit de dangers, et les dialogues entre les deux manageurs ainsi que les images de la video en fond de scène, révèlent qu’il se transforme peu à peu en zone de guerre civile dont personne ne pourra s’échapper.

Cette gradation ne manque pas d’intérêt : la fin laisse entendre le pire, dans cette course des personnages vers le devant de la scène, comme dans le vide de la mer.

Cette fable finalement nous met en présence de deux « ombres » : les personnages sur scène ne sont que l’ombre d’eux-mêmes, ou de nous-mêmes; de l’autre côté, les révoltés du pays ne sont que virtuels. C’est sans doute pourquoi nous avons quitté, dubitatives, le lycée Mistral …

Isabelle Royer

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