« Relire la Révolution », de Jean-Claude Milner

On recommence de s’interroger sur la révolution.
Le vocable vient du passé, mais il est temps de le ressaisir à la lumière du présent. Impossible de ne pas commencer par la Révolution française. Impossible de ne pas continuer par la révolution soviétique et la révolution chinoise.
Sauf qu’il faut bien réveiller les somnambules : si elles sont des révolutions, alors la Révolution française n’en est pas une. Si la Révolution française est une révolution, alors elles n’en sont pas.
Car les droits de l’homme existent ; ce sont les droits du corps parlant. La Terreur aussi a eu lieu. Pour opposées que soient ces deux mémoires, chacune permet d’interpréter l’autre.
La Révolution française se situe à leur intersection.
De ce fait, elle a approché le réel de la politique. À quoi les autres ont substitué la grise réalité de la prise de pouvoir. Ce que nous voyons du xxie siècle permet de redéfinir les droits du corps ; la révolution, relue, permet de comprendre ce qu’il nous est permis d’espérer.

Dans le journal Le Monde :

« Elle a aimanté l’histoire mondiale durant deux siècles. (…)

Après que la France a renversé la monarchie, proclamé la République, énoncé la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, le terme a quitté 1789. Il est devenu l’élément nodal de quantité de représentations. De Marx-Engels jusqu’à Mao Zedong et à la révolution chinoise, en passant par Lénine, la révolution bolchevique et tant d’autres, « la révo­lution satura l’horizon de tout ­avenir possible (…); la préparer ou l’empêcher, il n’y avait pas d’autre choix », écrit Jean-Claude Milner.

Voilà qui est fini. (…)

Pour Jean-Claude Milner, qui porte ce diagnostic, pareil déclin n’a rien d’un désastre. Au contraire, c’est une chance. Débarrassés des mythes, des croyances, des horizons prétendument indépassables, nous pouvons désormais nous intéresser à ce qui est advenu de réel en 1789. « Relire la Révolution » devient possible, et fécond. Et Jean-Claude Milner s’y emploie dans cet essai incisif.

On y retrouve les caractéristiques qui font de ce linguiste-philosophe l’un des plus intéressants penseurs d’aujourd’hui.(…)  « La politique, soutient Milner, n’a en dernier ressort qu’un seul objet : la survie des êtres parlants. » Elle peut et doit protéger avant tout les corps, leur intégrité, leurs besoins vitaux, mais aussi leur capacité de parler, leur droit à l’expression.(…)

Voilà ce qui constitue le sens et la portée des droits de l’homme, le « trésor pour toujours », pour parler comme Thucydide, de la Révolution française. (…)

Faute de pouvoir entrer dans le détail des démonstrations et des objections possibles, il faut souligner le point d’arrivée du parcours. C’est le caractère unique de l’événement 1789, qui sut proclamer, définitivement, que les corps parlants ont des droits, du seul fait d’être nés, et que ces droits sont inaliénables, « universels et invariables dans le temps et dans l’espace ».

Ces droits des corps parlants sont les conditions premières des droits civiques. Voilà qui reste à jamais actuel. Cela s’applique, par exemple, aux migrants d’aujourd’hui. (…) »

« Relire la Révolution », de Jean-Claude Milner, Verdier, « Philosophie », 288 pages, 16 euros.

 Roger-Pol Droit
  • Journaliste au Monde

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/livres/article/2016/10/06/figures-libres-la-revolution-est-morte-vive-la-revolution_5008993_3260.html#sWaly1U4Fq6H7t0w.99

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