Richard III, clown de Lambert-wild

Dans La Terrasse, Catherine Robert analyse le spectacle Richard III mis en scène par Lambert-wild

http://www.journal-laterrasse.fr/richard-iii-8/

Dans une jubilatoire machine à jouer, Elodie Bordas, Lorenzo Malaguerra et Jean Lambert-wild revisitent Richard III. La truculente scénographie de Stéphane Blanquet et Jean Lambert-wild offre un écrin magique à deux comédiens éblouissants.

Elodie Bordas et Jean Lambert-wild dans Richard III.
Crédit photo : Tristan Jeanne-Valès

Elodie Bordas et Jean Lambert-wild dans Richard III. Crédit photo : Tristan Jeanne-Valès

« Déterminé à être un scélérat » : tel est Richard. Il est l’auteur résolu de son ascension sur les marches ensanglantées qui conduisent au trône d’Angleterre, et l’outil fatal d’un destin qui le conduit à sa perte, à force de forfanterie grotesque, de cruauté perverse et de haine sadique. Jean Lambert-wild en confie le rôle à son clown (…) On rit au spectacle d’une méchanceté si aboutie et on tremble d’être caution d’une telle infamie ! Le théâtre est rendu à sa vertu cathartique : l’histoire du fléau de sa race est une tragédie vertigineuse et frémissante. Elodie Bordas, magnifique comédienne que Jean Lambert-wild est allé enlever à la scène suisse, campe à ses côtés tous les autres personnages de la pièce. (…)

Un carrousel endiablé

 Jean Lambert-wild, Lorenzo Malaguerra et Elodie Bordas guident le spectateur dans le dédale de la pièce et celui de la folie de Richard. On retrouve l’originalité corsetée par une maîtrise hallucinante des arts de la scène des précédents spectacles de Jean Lambert-wild. On retrouve aussi la patte de ses compagnons habituels : Jean-Luc Therminarias (musique et spatialisation), Stéphane Blanquet (scénographie), Renaud Lagier (lumières). On découvre une magnifique armure en porcelaine de Limoges (conçue et dessinée par Stéphane Blanquet et réalisée par Christian Couty), des marionnettes désopilantes, des ballons, des confettis, de la barbe à papa, des trucs et des astuces, et autant de poésie que d’humour. Le Richard de Jean Lambert-wild est « une conscience mélancolique enragée », comme le dit Gérald Garutti (coauteur de la traduction). Comme un trou noir, il aspire la lumière qui l’entoure ; il s’en nourrit et, dans la désolation finale d’un brouillard embrasé, il atomise ce qu’il a dévoré. Le traitement dramaturgique ne tranche pas : Richard est un monstre mais ceux qui l’entourent ne valent pas mieux. Lady Anne, putain boiteuse, indique de sa béquille sanglante qu’elle est aussi contrefaite que l’âme retorse de son soupirant impitoyable. Richard, en clown, apparaît comme le révélateur de la laideur du monde, sa mesure plutôt que son parangon. Si les autres ne faisaient pas le jeu du méchant, et si le public n’attrapait pas les sucreries que lance le diable dans la salle, celui-là finirait peut-être tenté par le bien ! Comme toujours dans le travail de Jean-Lambert-wild, dans ses spectacles comme dans son engagement à la tête des maisons qu’il dirige, perce la question de la responsabilité et le souci du bien commun. Il faut un clown pour avertir le monde de se garder de la séduction du pouvoir…

Catherine Robert

Publié le 28 janvier 2016 – N° 240

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