Les Maitres chanteurs : « une profusion wagnérienne mise en tension »

« La baguette de Jordan a bouté les nazis hors du Nuremberg wagnérien. »

A l’Opéra Bastille les Maîtres chanteurs de Nuremberg (1868) de Wagner ont ravi  Marie-Aude Roux, journaliste du Monde. (…)

« La joie de la musique est venue tout de suite. Dans le refus de l’habituel apparat de cuivres qui ouvre l’opéra culte du national-socialisme. La baguette de Jordan a bouté les nazis hors du Nuremberg wagnérien. Ni l’ombre portée d’un génocide vagissant dans les entrailles de l’orchestre, ni monstre pangermanique vautré dans l’ivresse hymnique du Deutschland über alles. Jordan sacrifie à la seule réalité des sons. N’abdique rien de leur magnificence, la sensualité des cordes qu’il exacerbe, le legato qu’il érige en bannière. Rien ne se perd d’une profusion wagnérienne mise en tension comme ces vents qui lèvent les tempêtes shakespeariennes. Tout se matérialise ou se poétise. (…)

Jeu de maître

Cette exultation de la fosse trouve son parfait corollaire sur le plateau. Distribution aussi homogène qu’il est possible en confrérie, où chacun tire son épingle du jeu de maître conçu par Wagner poète, musicien et dramaturge. (…)

Rêve ou songe

Présentée en 2013 à Salzbourg pour le bicentenaire de la naissance de Wagner, la production de Stefan Herheim se veut-elle un contre-pied du metteur en scène à lui-même ? Lui qui a survolté Mozart dans un Enlèvement au sérail sur fond de parodie biblique, historicisé Parsifal, à Bayreuth, en l’abreuvant à toutes ses sources, se laisse ici porter par le courant d’une onde heureuse. Rêve ou songe ? Le cordonnier Hans Sachs, en longue chemise de nuit, se prend la nuit pour Wagner écrivant Les Maîtres chanteurs. Un Wagner vieil et fol, enfant cacochyme s’exaltant dans le souvenir de son premier théâtre de marionnettes. Les ficelles du Norvégien crèvent parfois les yeux. Elles ont l’avantage de ne jamais stranguler l’action tout en l’arrimant dans la durée, de dessiner nettement les caractères tout en rendant lisible le credo wagnérien sur l’art. Un art délibéré et libéré, comme la musique, de la culpabilité dont l’œuvre a si souvent, depuis, été l’otage.

Le premier degré d’Herheim se retourne au contraire vers le conte de fées qui se gausse des ordres de grandeur. Personnages devenus géants parce qu’agenouillés dans une chambre d’enfant, soudain lilliputiens devant les objets surdimensionnés qui ont envahi l’espace. La direction d’acteurs emprunte à des chorégraphies de cartoons – les Maîtres, au premier air de Walther, s’animent en mesure avant de s’effondrer par strates, selon qu’ils sont charmés ou effrayés. De cette longue nuit de la Saint-Jean qui a couronné pêle-mêle l’amour, saint Crépin, le patron des cordonniers, et le « saint art allemand », les six heures auront passé sans une égratignure de longueur.

Les Maîtres chanteurs de Nuremberg, de Wagner, mise en scène : Stefan Herheim. Avec Gerald Finley, Günther Groissböck, Bo Skovhus, Brandon Jovanovich, Julia Kleiter. Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Paris, sous la direction de Philippe Jordan. Opéra Bastille, Paris 12e. Jusqu’au 28 mars. Tél. : 08-92-89-90-90. De 5 € à 210 €. operadeparis.fr

Diffusion sur France Musique le 30 avril à 19 h 30.

  • Marie-Aude Roux
    Journaliste au Monde

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/musiques/article/2016/03/04/opera-les-maitres-chanteurs-denazifies_4876428_1654986.html#DGuf1fGh8uPTRutY.99

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