La mise en scène de « La Mouette », par Arthur Nauzyciel est bouleversante.

A propos de l’événement du 19 janvier 2014 – T2G à Gennevilliers

Sur les cendres d’un volcan éteint, la vie a perdu de son éclat…

’ai vu La Mouette de Tchekhov mis en scène par Arthur Nauzyciel au T2G de Gennevilliers dont j’ai apprécié l’accueil chaleureux fait aux spectateurs…

Le poème Colloque sentimental de Verlaine m’est revenu en mémoire à la fin de la représentation quand les comédiens s’éloignent et que l’on entend des bribes de phrases dans le lointain :

« Dans le vieux parc solitaire et glacé, 
Deux formes ont tout à l’heure passé. 
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles. 
Et l’on entend à peine leurs paroles (…)
– Qu’il était bleu, le ciel, et grand, l’espoir ! 
– L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir. 
Tels ils marchaient dans les avoines folles, 
Et la nuit seule entendit leurs paroles. »

Que dire du temps au théâtre ? Comment rendre sensible la vie qui passe ?

J’avais vu Kontakthof de Pina Bausch sans me douter que les mêmes gestes, les mêmes mouvements, interprétés par des jeunes gens puis par de vieux danseurs, allaient m’émouvoir autant. Car ce parallèle faisait apparaître les premiers pleins de la fraîcheur des premières fois et riches de l’avenir, et les seconds magnifiquement nourris des expériences passées. La vision en était bouleversée. J’en étais sortie transportée.

Dans le prologue de La Mouette, le metteur en scène projette le célèbre court-métrage des frères Lumière, L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat, de 1895. Il contextualise la pièce de Tchekhov écrite en 1895 (l’auteur mourra en 1904), mais renvoie également à la révolution opérée par le cinéma, c’est-à-dire l’introduction du temps grâce au mouvement.

Nina déclame avec l’emphase des débutantes le texte du jeune dramaturge Treplev, elle le reprend avec désespoir vers la fin de la pièce  comme pour réveiller, raviver les spectateurs : le double jeu de Marie-Sophie Ferdane nous éclaire sur les années qui séparent les deux moments. On comprend que son talent a été accompagné de désillusions et d’amertumes après les désirs rayonnants de la jeunesse. L’émotion est là, celle des rêves réalisés et détruits, inexorablement.

Arthur Nauzyciel choisit de montrer la douleur.

Un pan de mur métallique monumental, une scène en plan incliné inconfortable, un lit, identifient les scènes, mais rendent aussi les déplacements difficiles et limités. Le décor est noir comme la pouzzolane d’un volcan éteint après les feux d’une éruption. Les personnages en sont aussi souillés.  Ce désert nous renvoie d’emblée à un après. Et à l’échec.

C’est celui des amours, souriants, maladroits et éphémères. C’est surtout celui des artistes, auteur, écrivain, comédien, qui se débattent avec le travail, toujours recommencé, fragile : on est loin de la vision idéalisée de l’inspiration, du talent et de la gloire. C’est celui de Treplev la tête ensanglantée.

A l’entracte, les comédiens avec leur beau masque de mouette, forment un groupe silencieux et immobile tourné vers nous, sur la scène inclinée. Ils semblent nous interroger comme en miroir. Cette image est poignante et la tristesse nous étreint.

 

Crédits photo: Frédéric Nauzyciel

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