Exposition Sophie Calle

Avec Rachel, Monique, Sophie Calle rend hommage à sa mère dont le mot : «Je suis morte de très bonne humeur» et l’épitaphe qu’elle avait choisie : «Je m’ennuie déjà» sont un joli testament.

Sophie Calle, née en 1953, est une artiste dont l’oeuvre est directement inspirée de sa vie personnelle, voire intime, en utilisant tous les supports possibles (livres, photos, vidéos, films, performances, etc.)

« Souvent fondées sur des règles et des contraintes, ses œuvres interrogent la limite poreuse entre sphère publique et sphère privée et le caractère interchangeable des positions du voyeur et de l’exhibitionniste. Le thème de la disparition de personnes ou d’objets, dont l’existence est avérée par quelques traces et dont l’absence est enregistrée par la photographie, constitue également un thème de prédilection de l’artiste ».(Wikipedia)

On pourrait croire que son goùt de la provocation préside à l’exposition qu’elle consacre à sa mère, décédée en 2006, d’un cancer du sein.

Mais c’est un hommage qu’elle rend à cette femme que l’on devine complexe, à l’identité multiple et à la vie aventureuse.

Rendre l’absence présence : le parcours de l’Eglise des Célestins, propice au recueillement et à la méditation, relève de la narration entre peine, affection et humour.

Le mot énigmatique « souci » décliné dès l’entrée dans l’église, est le « rosebud » de cette histoire.

Le visiteur de la dernière propriété de Citizen Kane, dont Orson Welles filme lentement le bric à brac « somme » de sa vie, est dans l’impossibilité d’appréhender la personnalité du mort malgré ses efforts. Nous aussi, découvrant au fil de la visite, des photos, des vidéos, des objets et des textes, témoins et traces accumulés, des fossiles laissés par la vie, nous sommes confrontés à l’impuissance : Monique sera à tout jamais mystérieuse.

«Avant de fermer le couvercle, sa dépouille a été recouverte des objets suivants : sa robe à pois blancs et ses chaussures rouge et noir, parce qu’elle avait choisi de les porter pour sa mort. Des poignées de bonbons acidulés, parce qu’elle s’en empiffrait. Des vaches en peluche et en caoutchouc, parce qu’elle collectionnait les vaches. Le premier tome d’A la recherche du temps perdu de Marcel Proust, dans la Pléiade, parce qu’elle connaissait par cœur la première page et qu’elle la récitait dès qu’on la laissait faire. Une carte postale représentant Marilyn Monroe en compagnie de Humphrey Bogart et de Lauren Bacall, parce que Marilyn était son idole.»

Autant d’allusions fragmentaires à une biographie maternelle, tentative dernière de cerner la vie et la personnalité de Rachel, Monique, insaisissables comme ses derniers instants.

Filmant le dernier souffle de sa mère dans un espoir fou d’être avec elle jusqu’au bout et de « voir la mort », Sophie Calle se heurte à son impuissance, et à la maladresse de l’entourage autour d’un visage que la mort dignifie comme une impératrice.

Selon Elisa Fedeli (paris-art.com), « comme pour Louise Bourgeois, le rôle thérapeutique de l’art est pour Sophie Calle une évidence. Art et vie privée se confondent. ..Plus qu’un dernier hommage, il s’agit d’une narration où la fille tente de surmonter la nouvelle de la maladie, puis la mort et l’absence de la mère. »

C’est qu’il n’y a pas de miracles, ni à Lourdes, ni ailleurs. Seul l’art immortalise la pétulance, l’amour de la vie de sa mère, et le lien qui unissait les deux femmes.

La dernière injonction « Ne vous faites pas de souci » révélant l’énigme originelle, résonne comme une consolation.

Eric Favereau dans Libération en novembre 2010 affirmait : « Morte ou pas, c’est ainsi une sorte de promenade bienveillante, ni macabre ni voyeuriste. On est là, comme devant un album de photos qui n’aurait d’autre chose à dire que ces mots : «Regardez c’est ma mère, je l’aimais.»

Isabelle Royer

       

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