Le mythe de Clovis : et l’Histoire alors ?

Depuis vingt ans, la droite instrumentalise le roi des Francs pour revendiquer l’identité chrétienne de la France. Une lecture problématique pour nombre d’historiens.(…)
 

Et, selon une enquête intitulée Le Récit du commun. L’histoire nationale racontée par les élèves (Presses universitaires de Lyon, 240 p., 18 €), réalisée sous la direction de Françoise Lantheaume auprès de 7 000 élèves de 11 à 19 ans, Clovis arrive (même) en cinquième position des personnages de l’histoire de France les plus cités, derrière Louis XIV, Napoléon, Charlemagne et Louis XVI. Juste devant de Gaulle…(…)

Une certitude : le roi des Francs est indissolublement lié à la genèse de

notre roman national.
Dans son stimulant essai, Clovis, de l’histoire au mythe (Complexe, 1996), l’historien Laurent Theis montre qu’il a toujours été reconnu par les Français comme celui qui est à l’origine de leur histoire.(…)
 
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« Clovis rassemble des qualités reconnues par des générations de Français : bon époux, justicier, jacobin avant l’heure… », explique l’historien Laurent Theis (…)

C’est vers 572, en effet, que Grégoire de Tours rédige l’Histoire des Francs, récit qui reste à ce jour la principale source permettant de documenter le règne de Clovis. « Comme beaucoup d’auteurs chrétiens de ce temps, Grégoire de Tours a une vision providentielle de l’Histoire, explique Stéphane Lebecq, spécialiste du haut Moyen Age, auteur de La Geste des rois des Francs (Les Belles Lettres, 2015). Il fait de Clovis un nouveau Constantin : à la manière de l’empereur romain converti au christianisme au IVe siècle, il est celui qui fait des Francs le peuple choisi par dieu pour étendre son royaume terrestre. C’est le premier grand mythe fondateur de ce qui est appelé à devenir la France. »

Transfiguré par ce mythe, le personnage a par la suite fait l’objet de nombreuses captations idéologiques.(…)

Ces positions fortes seront cependant battues en brèche par l’éclosion de la Renaissance. Victime de l’humanisme et du développement du savoir, le mythe de Clovis est ensuite pulvérisé sous la Révolution(…)

Le retour en grâce de Clovis se fait jour dès les débuts de la IIIe République (1870-1940) : alors que le nouveau régime est fragile, de nombreuses manifestations catholiques appellent sur la France la bénédiction du « dieu de Clovis ».(…)

Réapparue dans la sphère publique depuis 1996, encensée par les catholiques traditionalistes à partir de 2013, c’est surtout à la faveur du débat sur l’identité nationale et des origines chrétiennes de la France que la figure de Clovis est revenue sur le devant de la scène. (…)

Pour l’historien Olivier Loubes, cette lecture pose problème. « Elle essentialise l’histoire de France ; elle lui confère une origine pure et un caractère immuable ; et elle est surtout fausse, résume ce spécialiste de l’imaginaire politique, de la nation et de l’enseignement. Le baptême de Clovis n’est pas celui de la France : la christianisation des villes gallo-romaines a commencé au IIe siècle ; celle des campagnes fut ensuite lente et longue. Ce n’est qu’autour de l’an mil que l’on trouve dans les chroniques que “la France se couvre d’un blanc manteau d’églises”.

L’histoire de France ne commence pas par le baptême de Clovis. La langue, le territoire et le système de pouvoir du royaume franc ont très peu de choses en commun avec le royaume de France qui se constitue entre les règnes de Philippe Auguste et Philippe le Bel (XIIe– XIVe siècles). »(…)

  • Antoine Flandrin
    Journaliste au Monde

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/12/15/clovis-et-la-vertu_5049435_3232.html#Q8s0zpRXJlXkh2Gr.99

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