« Il ne s’agit pas seulement d’être représentés par des représentants mais de se représenter comme sujets politiques »
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Dans TELERAMA :
La culture fait-elle encore lien ? Est-elle véritablement l’ultime lien qui nous rassemble ? On voudrait croire en cette proposition généreuse en dépit du désarroi généralisé qui nous saisit tous aujourd’hui : désarroi politique, désarroi conceptuel, désarroi économique et social.
Cette situation où prévaut aujourd’hui le sentiment que nous ne parvenons plus vraiment à faire du « commun » a eu pour effet d’installer à l’arrière plan (en tout cas d’en faire une préoccupation apparemment secondaire aux yeux de nos gouvernants) l’objectif d’une « démocratisation » de la culture qui avait été l’un des axes majeurs de la politique culturelle française. André Malraux comme Jack Lang avaient tous deux, dans des perspectives certes différentes, voulu « faire accéder aux œuvres » le plus grand nombre de Français. Or cette visée présupposait implicitement que la culture pouvait faire lien et que l’un de ses vecteurs était l’élargissement des possibilités d’accès du public au monde de l’art (quelle que soit la manière dont ce dernier était défini).
La « crise de la culture » – pour reprendre la célèbre expression de Hannah Arendt – est aujourd’hui telle qu’elle a entamé le postulat de ce possible socle partagé. La culture n’est pas sortie indemne de l’extrême difficulté où nous nous trouvons aujourd’hui à produire du commun. La culture est une donnée essentielle de l’expérience que partagent les membres d’une société : or les processus de fragmentation des expériences et des parcours individuels, les nouvelles figures du temps marquées par la tyrannie de l’instant semblent remettre en question la possibilité même d’un tel partage.
On admettra qu’il n’y a pas d’invention ou d’innovation culturelle sans que demeure vivant un lien au passé et à la mémoire. Or notre orientation vers l’avenir paraît aujourd’hui déconnectée des acquis du passé, ce qui rend problématique l’idée d’une culture commune, autrement dit démocratique.
Il en va de même en ce qui concerne les échanges entre les individus et la société, entre le soi et les autres : la culture qui distingue l’ « élite » cultivée, le public « éclairé » se différencie d’une certaine consommation de masse des objets culturels dont Hannah Arendt écrivait déjà qu’elle relevait de l’industrie du « loisir » et du divertissement plus que d’un véritable partage de l’expérience. (…) Et ce n’est que (…) par une véritable diffusion de la culture (qu’il est possible) de transcender le clivage entre les produits culturels destinés à la masse des consommateurs et la culture « savante » réservée au petit nombre. Michel Abescat
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