Le cirque, ce n’est pas de la gymnastique 

Le cirque, ce n’est pas de la gymnastique

Les heures séculaires des Sélène.

Un spectateur met sans doute beaucoup de soi dans la vision d’un spectacle. Comment regarder le « main à main » aérien de Laura de Lagillardaie et Olivier Brandicourt, dans le jardin du musée Vouland, sans être touché par sa douceur ? De là à comprendre ce corps à corps lent et puissant comme un voyage dans le temps de l’amour, voire de l’érotisme…

Le duo du Petit cirque des Sélène, qui a travaillé avec le cirque Romanès, insiste sur son travail autour de l’univers d’Erik Satie, évoqué par le titre « Les heures séculaires ». Cet homme et cette femme se touchent, s’enlacent, et s’étreignent, leur grâce sensuelle est celle de l’amour : elle est le résultat d’un projet créateur et de répétitions. Nous ne voyons pas des acrobates mais des danseurs. On a en mémoire l’étreinte du baiser de Rodin.

Le spectateur est lui aussi comme en apesanteur, porté par la musique d’Erik Satie (1866-1925). 

On entend les Gymnopédies (1888), pièces dites « éthérées » dont le titre désigne une danse pratiquée par de jeunes danseurs nus  dans l’Antiquité grecque. Vers 1910, le musicien s’est rapproché de novateurs comme Diaghilev, Picasso, Cocteau. Il appartient à l’Avant-garde et deux groupes se recommandent de son autorité, Le Groupe des Six et l’École d’Arcueil... Heures séculaires et instantanées pour piano date de 1914.  

Ce sont également des notes arabo-andalouses qui nous dépaysent. Et c’est la poésie qui agit sur nous, celle des surréalistes, leur suite mystérieuse d’alliances de mots et d’images nées de « cadavres exquis ». Les textes dits lentement au début de la représentation – suite de longues marches dans les rues de la capitale, poèmes étranges – sont un prologue invitant à s’élever avec le duo aérien au sommet du portique.

Le temps est suspendu. Il est malaisé de toucher terre.

Isabelle Royer