LES-EPOUX

« Les époux », mis en scène par Anne-Laure Liégeois

A propos du spectacle du 25 novembre 2014 au Volcan

La question qui parcourt l’actualité artistique en ce moment semble être celle de la représentation de la « monstruosité ». Comment la montrer, et la dénoncer sans exhibitionnisme ?

C’est celle que pose le film Timbuktu de Souleymane Sissako selon Jacques Mandelbaum, à propos de la mainmise féroce d’un groupe de djihadistes sur un village paisible au Mali. Le cinéaste explique : « J’appartiens à un cinéma qui refuse de faire de la violence quelque chose de spectaculaire. » Celle aussi de l’exposition de Brett Bailey, Exibit B, qui met en scène des victimes de la colonisation regardant le spectateur droit dans les yeux : « Aucune complaisance chez celui qui montre ces tableaux vivants, aucun voyeurisme chez celui qui regarde », remarque Christophe Kantcheff. C’est peut-être également celle que s’est posée Anne-Laure Liégeois quand elle décide de mettre en scène la biographie du couple des Ceaucescu dans Les époux, comédie noire rédigée par David Lescot.

En effet, dans la première partie de la pièce, le récit des deux narrateurs évoque des histrions, deux êtres incultes que seuls des handicaps distinguent, le bégaiement chez lui, une scolarité très médiocre chez elle. L’humour adopté dès le début par les deux comédiens dans un décor nu, souligné par quelques accessoires comiques, range cette pièce du côté de la fable. C’est le ridicule qui caractérise d’abord ces dictateurs roumains. Peut-être la démythification est-elle ici à l’œuvre. Pour l’auteur David Lescot, « les époux Ceaucescu, c’est un mythe dont le théâtre peut s’emparer. Une fable terrible, à faire frémir, mais dont il faut arriver à rire pour s’en libérer. » C’est par la propagande et des jeux d’images que des tyrans souvent s’imposent. Ne sont-ils pas des baudruches que nos artistes dégonflent ?

D’autre part, l’Histoire, que tous connaissent (mais les jeunes générations la connaissent-elles ?), est vue ici du côté de « l’intime », c’est-à-dire des relations de couple. Comment est-on homme ? Femme ? Ici c’est elle qui mène la danse, son mari est un pantin (consentant) pris dans les filets de sa perversité. N’est-ce pas une pièce sur le « pouvoir », à l’instar de Macbeth mis en scène précédemment par AL. Liégeois ?

On peut être gênés ou choqués par ces cabots monstrueux, mais le constat est glaçant : il n’est pas besoin d’être « intelligent » ou « fort » pour imposer une dictature. Le mal est ici d’un prosaïsme déconcertant, ce qui le rend plus dangereux encore, note Kantcheff à propos des djihadistes dans Timbuktu.

En effet la pièce suggère, par des métaphores (les combats de chiens projetés sur écran, par exemple…) ou des métonymies, la terreur politique, économique et sociale du régime roumain verrouillé avec l’habileté de la paranoïa par le couple : le pouvoir personnel, le meurtre, le vol, la destruction, le génocide, tout y est…Main basse sur un pays dont le peuple apparait implicitement piégé.

Toutes les tyrannies sont-elles périssables ? Au fond nous ne savons pas.

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