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VINCENT DELERM

« PARALLELES » / LE VOLCAN, 30 janvier 2015

Il pleut ce soir sur le Volcan qui nous attend, sans tambour ni trompette, ni violon ni orchestre pour le nouveau concert de Vincent Delerm. Un piano à queue majestueux trône sur la scène à côté d’un drôle de piano droit un peu arrangé. Une sorte de piano mécanique qui va accompagner le chanteur toute la soirée comme si un fantôme tapait sur les touches et nous rejouait en douce les airs passés qu’on a tellement aimés. Retour en arrière ! Moteur… On rembobine !

Les premières chansons tournent avec délicatesse autour des moments furtifs de couples qui se font et se défont dans des ambiances urbaines un peu sophistiquées, des ambiances de cinéma qui pourraient aboutir à un film sur grand écran, tendance Art et Essai, un peu triste, juste ce qu’il faut. On est sur le fil et tout pourrait basculer dans la joie ou dans le drame. Mais ça ne bascule pas et on reste en suspens…

Après ses dernières créations Vincent Delerm emballe la salle avec la reprise des morceaux anciens qui nous trottent toujours dans la tête, sortis en grande partie du « Kensington Square » 10 ans plus tôt ! Alors là, plus question de révéler l’âge que « Les filles de 1973 » ont aujourd’hui. La-la-la…élégance oblige, on ne dira rien. On le chante, c’est beaucoup mieux ! La salle reprend à tue-tête les refrains, entraînée par le piano joyeux qui mène la danse. Espiègle, le chanteur fait parfois répéter une reprise qui avait un peu cafouillé et les spectateurs, bon enfant, jouent le jeu. Tout le monde s’amuse. On retrouve le plaisir de fouiller chez les bouquinistes, de parcourir « La quatrième de couverture » près d’une belle inconnue dont on frôle le poignet plein d’espoir. On rêve avec lui d’un baiser Modiano « sous les réverbères, sous la pluie » et on aurait bien, nous aussi, « posé un lapin à l’épilogue shakespearien » en se sauvant avant la fin avec ce charmant voisin…

Malgré ce désir qui passe, l’amour semble empêché. On se cherche, les mots manquent parfois ou alors ils manquent leur cible et on avance dans des « piscines parallèles, en natation synchronisée ». Vincent Delerm croque à merveille la difficulté qu’ont ses personnages à se parler et il sait restituer en quelques mots les échanges malhabiles qui deviennent étranges et saugrenus. Essayer d’avouer à un vieil ami rencontré devant les cages d’un zoo qu’on est en pleine crise et que ça se termine par un banal « ça me fait super plaisir de te voir, devant la vipère du GabonAh, bon… », c’est déroutant.

Vincent Delerm cisèle ses textes avec délicatesse et joue toujours aussi bien avec les sonorités, avec une métrique si originale qu’elle redynamise les mots d’amour et les sauve de la banalité. Et la littérature n’est jamais bien loin de la poésie. « Fanny Ardant est posée sur l’étagère entre un bouquin d’Eric Holder (…) et une carte postale de Maria ». Donc jamais loin du cinéma non plus. Sur le mur du fond passent des ombres chinoises vieillottes et bricolées sur de vieux rétroprojecteurs (détournés des salles de TD «aux tables  fusillées au blanco » ?). C’est le chic décalé ! « L’animation diapositive est-ce quelque chose qui vous arrive ? » demandait-il à Anita Peterson. Ben… oui !

Et quand la voix troublante de Trintignant s’échappe de la bande son d’ « Un homme et une femme », accompagnée par les accords élégants du piano, on rêve encore. « Une femme qui vous écrit sur un télégramme « Je vous aime », on peut aller chez elle… ? Ah, oui ! Je vais chez elle… ».

On a aimé la pluie ce soir-là en sortant du Volcan…

 

Christine Baron-Dejours- 2 février 2015

Crédits photo : Aglae Bory

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