L’échange est essentiel pour faire découvrir et aimer l’art aux publics qui n’y ont pas accès.

Amener La Joconde à Sevran, au milieu des HLM ? C’est l’un des buts de la Micro-Folie, un musée numérique implanté dans le quartier des Beaudottes en janvier 2017. ­Depuis lors, 12 000 personnes ont découvert sur des écrans les chefs-d’œuvre de huit prestigieuses institutions – le Château de Versailles, le Centre ­Pompidou, le Louvre, le Musée national Picasso, le Musée du quai Branly, la Philharmonie de Paris, RMN-Grand Palais et Universcience. « C’est un système sophistiqué, de grande qualité, mais très simple d’utilisation, qui permet un contact optimal avec les œuvres », explique Didier Fusillier, le président de l’Etablissement public du parc et de la Grande Halle de la Villette, qui est à l’origine de ce projet.

En visite libre, avec l’appui des médiateurs, ou en classe, guidés par leurs professeurs, les visiteurs peuvent accéder à des textes rédigés par les conservateurs des musées, agrandir certains détails et ­assister à des conférences ou à des concerts. Didier ­Fusillier a en outre cherché à créer un véritable lieu de rencontre qui change le visage de la cité : le projet comporte un café, un atelier de pratique artistique et un espace scénique à disposition des associations locales et des artistes. Appelées à essaimer sur le territoire – le 9 juin, un musée numérique ouvre à Lille et un autre est attendu à Denain (Nord) dans le courant du mois –, ces « micro-folies » ont pour ambition de mettre l’art à la portée de ceux qui n’y ont généralement pas accès.

Politique volontariste(…)

« Les ouvriers constituent 20% de la population active française et 1% du public des musées nationaux parisiens » Jean-Michel Tobelem

Jean-Michel Tobelem, spécialiste de la gestion du secteur culturel, enseignant à l’Ecole du Louvre, est l’auteur d’un rapport sur la démocratisation ­culturelle publié par la Fondation Jaurès en 2016. « Les ouvriers constituent 20 % de la population active française et 1 % du public des musées nationaux parisiens, regrette-t-il. L’opération des micro-folies met l’accent sur le fait que les grandes institutions n’accueillent pas tous les publics. » Pour attirer de nouveaux visiteurs, les musées doivent, selon lui, lancer une communication qui ne s’adresse pas aux seuls initiés, utiliser un vocabulaire accessible à tous dans les textes guidant la visite et mener une politique volontariste pour faire baisser les prix d’entrée.

Les micro-folies s’inscrivent dans la lignée des ­expériences « hors les murs » destinées à donner au public dit « empêché » un accès à la culture. (…)De 2011 à 2013, le Centre Pompidou mobile a proposé les expositions itinérantes d’une vingtaine d’œuvres dans différentes villes moyennes françaises où il plantait son chapiteau.

Sur le plan artistique, le principe de la virtualité soulève parfois des réticences. « Un musée numérique est un outil de travail absolument formidable du point de vue de l’information, estime le peintre ­Gérard Garouste, fondateur d’une association à ­vocation sociale et éducative par la pratique artistique, La Source. Mais on perd le choc esthétique. Dans les banlieues, le danger est ainsi de tromper le public, et qu’il en ressorte avec l’impression d’avoir réellement vu les œuvres. » Un argument que réfute Didier ­Fusillier. « Notre vocation est d’éveiller le ­désir et de stimuler la curiosité et l’envie d’aller voir », affirme-t-il. Des billets coupe-file pour les musées parisiens sont d’ailleurs disponibles à l’entrée de la Micro-Folie. Près de 150 invitations au Château de Versailles ont ainsi été distribuées depuis janvier.

Parti pris

L’Ecole nationale des beaux-arts de Paris a choisi un parti pris très différent : elle propose aux jeunes de banlieue de venir découvrir des œuvres originales « dans les murs » – quitte à toucher un nombre restreint d’individus. Chaque année, depuis 2009, douze classes d’Ile-de-France sont ainsi invitées à visiter trois fois dans l’année un cabinet d’art graphique où elles sont accueillies par de jeunes historiens de l’art.(…)

L’échange est utile à tous. « Les jeunes historiens de l’art qui les reçoivent, et dont certains deviendront conservateurs de musée, apprennent à s’adresser à un public plus large », poursuit Emmanuelle ­Brugerolles. « J’ai dû apprendre à parler à des adolescents qui ne savaient pas qui était Michel-Ange, ­raconte l’historienne de l’art Camille Debrabant, qui a participé au lancement du projet. Ces élèves ­témoignent d’une grande curiosité. C’est une expérience fondatrice, pour eux comme pour nous. » ­Selon elle, il est essentiel que ces jeunes se déplacent, a fortiori s’ils habitent dans une zone géographique proche. « Si on remplace les œuvres originales par des images, on les prive de ce qui est le plus ­facile d’accès : l’émotion et le plaisir. Si on ne les ­confronte à l’art qu’à travers la connaissance, on ­risque en réalité d’accentuer leurs réticences. »

Une chose est sûre : l’échange est essentiel pour faire découvrir et aimer l’art aux publics qui n’y ont pas accès. La médiation constitue d’ailleurs l’un des aspects novateurs des micro-folies : à Sevran, huit médiateurs ont été recrutés parmi les jeunes du quartier. « Ils ont passé une journée dans ­chacune des institutions partenaires, qui leur ont fait visiter les lieux et les réserves. Ils sont revenus émerveillés », ­assure Didier Fusillier. Leur rôle est désormais de communiquer leur enthousiasme à ceux qu’ils auront rencontreront dans la Micro-Folie.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/06/09/le-musee-numerique-reelle-democratisation-de-l-art_5141581_3232.html#vlvSRHjKL2BOppY8.99

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