Le « bourgeois » de Denis Podalydès est un enfant.

Pourquoi nous sommes-nous tant réjouis de voir encore une fois Le Bourgeois gentilhomme de Molière, comédie-ballet mise en scène par Denis Podalydès ? La salle était pleine tous les soirs. Rendez-vous incontournable ? Nous n’avions pas accueilli au Volcan de pièces de Molière depuis quelque temps….C’était comme si nous avions été privés… De Molière ? De théâtre de texte ? De « grand » texte ? De rire ? De cette jubilation contagieuse des artistes et des auteurs qui résonne dans le cœur des publics ?

D’entrée, ce qui nous frappe : la splendeur des décors (un grand magasin de draps, divisé par des tréteaux et des rideaux en pièce de réception et appartements privés), les costumes somptueux de Christian Lacroix, les musiciens de l’Ensemble baroque de Limoges sur scène, le texte. MAITRE A DANSER «  Il y a plaisir, ne m’en parlez point, à travailler pour des personnes qui soient capables de sentir les délicatesses d’un art(…) Oui, la récompense la plus agréable qu’on puisse recevoir des choses que l’on fait, c’est de les voir connues ; de les voir caressées d’un applaudissement qui vous honore. (…) MAÎTRE DE MUSIQUE.- J’en demeure d’accord, et je les goûte comme vous. Il n’y a rien assurément qui chatouille davantage que les applaudissements que vous dites ; mais cet encens ne fait pas vivre. Des louanges toutes pures, ne mettent point un homme à son aise : il y faut mêler du solide ; et la meilleure façon de louer, c’est de louer avec les mains (payer). » Et il nous prend ostensiblement à parti, soulignant l’actualité de la pièce. La situation des artistes est fragile.

Tout, dans la mise en scène de Denis Podalydès, est donc dans le clin d’œil. Le bourgeois entre et serre des mains dans le public, complice. Beaucoup de jeunes, avec professeurs. C’est peut-être de cela que parle la pièce : si la culture est un héritage, elle est aussi un apprentissage. Monsieur Jourdain levant les yeux au ciel, accuse ses parents de ne pas lui avoir donné une éducation culturelle. Dans la pièce de Molière, il est ignorant et tyrannique, égocentrique, envieux et superficiel. Il n’aime pas les arts, il les instrumentalise pour avoir l’air d’« un homme de qualité ». Lui a appris à acheter et à vendre. Il applaudit trop tôt au concert, mais ici c’est comme un clin d’œil à nos salles !

Pour Denis Podalydès, c’est un enfant. Grâce à une gestuelle et des mines empruntées à la farce, Pascal Rénéric, cabotin, joue l’élève, curieux de tout, cancre plein de bonne volonté, vite fautif et honteux, puis, illico, dansant et sifflant comme il aime : on ne peut s’empêcher de rire de lui et avec lui. Ses pitreries ridiculisent les maîtres et ce qu’on pourrait appeler la culture dominante, qui étonne, amuse ou ennuie notre apprenti avec ses codes, son jargon, ses rites… Parti pris « potache » du jeu et de la scénographie ? Force de la connivence ? Quels fous rires lors des leçons d’escrime, de danse, de révérence, de mode, de philosophie !! Complètement improbable et tout à fait hilarante est aussi l’entrée en scène des Turcs en lilliputiens !! Turcs que l’on considérait et admirait à l’époque. On ne boude pas son plaisir….

Il semble ici que les classes sociales soient renvoyées dos à dos : ce bourgeois-là parait souvent moins odieux que touchant. La farce est plus cruelle quand survient le comte, aristocrate courtisan désargenté, endetté, fourbe et voleur. Et c’est un bourgeois humilié en chemise qui est couronné Mamamouchi lors d’une sorte de cérémonie secrète avec transes et défoulements en tous genres.

En fait, mettre de nouveau en scène Le bourgeois suppose, si possible, une vision singulière des morceaux de bravoure. Ce spectacle « total » alliant musique, danse et jeu, réunit une joyeuse troupe plutôt foutraque. Il nous offre un feu d’artifice des tics de notre époque d’argent et de médias, fidèle en cela à la commedia dell’arte qui rajeunissait les œuvres selon les temps et les lieux et jouait avec les spectateurs avec délices.

Isabelle Royer

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