Un des maux du monde culturel est de cultiver l’entre-soi

Chronique :

« Il n’y a pas mieux pour évacuer les questions qui fâchent, pas pire pour se couper de la population. Le grand débat né de la crise des « gilets jaunes » a justement pour but d’écouter les invisibles. Ceux qui ne parlent pas. Or pour ces derniers, c’est la culture qui est invisible. Pas étonnant que le sujet soit absent du million de contributions enregistrées à ce jour.

Pas étonnant, car la grande majorité des Français ne met jamais les pieds dans les musées, théâtres, opéras ou salles de concerts. Ils n’y pensent pas ou pensent que ce n’est pas pour eux. Et puis, pourquoi écrire une doléance sur un sujet auquel Emmanuel Macron ne consacre pas un mot dans sa Lettre aux Français ? (…) Le président a oublié que la culture croise tant d’atouts – éducation, imagination, initiative, émotion, confiance en soi – qu’elle est un marqueur social.

Afin de rattraper la bourde présidentielle, un débat sur la culture a eu lieu le 5 mars à l’Ecole des beaux-arts de Paris, à l’initiative de Beaux Arts Magazine et de la Fondation du patrimoine. (…)

Dans cette école de jeunes sont venus beaucoup de seniors passionnés de culture, souvent du métier. Des « gilets jaunes » de l’art. Des soutiers précieux, militants associatifs, artistes de terrain, qui vont au charbon dans les écoles, les banlieues, les petites villes.(…)

Pour susciter des questions inédites, dérangeantes, transgressives, il faut échapper à l’entre-soi. Parler des exclus de la création avec eux. Les écouter. Pas simple, alors qu’au sein même de la famille culturelle on ne se mélange pas entre riches et pauvres. Ou plutôt les riches dialoguent peu avec les pauvres. Aux Beaux-Arts, la plupart des patrons de gros musées, opéras ou théâtres ne sont pas venus – il n’y avait que des coups à prendre.

Même absence du Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles), qui réunit 400 entreprises subventionnées dans le spectacle, qui avait jugé déplacée une réunion tenue à Paris. Cette bouderie est une hypocrisie, a écrit Jean-Marc Adolphe, fondateur de la revue culturelle Mouvement, dans un post de blog du 8 février. Pour ce dernier, le Syndeac tient un discours militant en faveur d’une culture pour tous, mais dans les faits s’en fiche complètement, préférant passer son temps à « réclamer du pognon pour la création ».(…)

L’Etat dit se préoccuper de « culture pour tous » depuis vingt ans, mais, dans le même temps, il a passé au sabre l’éducation populaire (MJC, centres de rencontre, associations diverses, pratique amateur), qui, souvent, constitue le premier contact de millions de gens avec la création.

L’Etat sabre parce qu’il méprise le « sociocu » – il est structuré pour défendre le grand art. Il ajoute que c’est le boulot des maires. Or, les villes font pareil : elles reportent souvent sur la culture de proximité les réductions de la dotation de l’Etat et elles reprennent en main, en réduisant la voilure, cette éducation populaire, jugée trop gauchiste et indépendante, à travers leurs services municipaux.(…)

Même chose pour l’éducation artistique à l’école. Tout le monde en convient, c’est « le » sujet-clé. Après deux heures de débat et de jolis poncifs, c’est l’ancien ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon, qui a dit l’essentiel : l’Etat met 149 millions d’euros dans ce secteur, or il faut 1 milliard pour que ce soit efficace. … »

Michel Guerrin. LE MONDE  8 mars

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