Réduire la distance entre le danseur et le public : pourquoi ?

Plus question de rester assis au théâtre. Récemment, à Paris, on a partagé l’espace avec les danseurs de Para que o céu nao caia, chorégraphié par Lia Rodrigues, (…) avant de chanter dans une chorale avec ­Antonija Livingstone et Nadia Lauro pour Etudes hérétiques 1-7 ; on a pu prendre une leçon de dancehall jamaïcain en scène avec François Chaignaud et Cecilia Bengolea dans DFS…

En période de crise, et pas seulement économique, ce phénomène, qui touche la danse contemporaine mais aussi le théâtre et les arts plastiques, croise des enjeux esthétiques et sociétaux variés. Nécessité de donner des clés ? De dynamiter les frontières entre le plateau et la salle ? D’injecter du réel dans l’art ? L’explosion du fameux quatrième mur ne date pas d’hier. (…)

Aujourd’hui, les stratégies d’implication du public jouent l’inclusion à fond. Encore plus près du performeur ? Prenez donc sa place, semblent dire certains artistes. « La danse contemporaine ne sait plus quoi faire de sa réflexion sur les corps non virtuoses, analyse Christophe Martin, directeur du festival Faits d’hiver. Inviter des amateurs permet d’apporter une sorte de fraîcheur en créant la surprise. Avec parfois un peu de paresse chez certains chorégraphes. Par ailleurs, la reconnaissance de cet art par le grand public est toujours problématique. L’envie ou l’utopie d’un accès direct et simple au spectateur génère des approches nombreuses, dont celle de la participation. » Au risque de se demander qui l’on va voir et applaudir lorsqu’on assiste à une pièce. Au risque aussi de se planquer lorsqu’on craint d’être pris à partie (…)

Ces propositions conviviales répondent aussi à un enjeu crucial : celui du renouvellement des spectateurs et du remplissage des salles. Ce qui ne va pas de soi. « Une grande partie de la production en danse contemporaine ne s’adresse qu’à un entre-soi, analyse le sociologue Pierre-Emmanuel Sorignet. Prétendre faire participer les gens, et répondre ainsi à la problématique de la démocratisation ­culturelle, est illusoire. Cela neutralise les différences et sous-entend que tout le monde a les ressources sociales de se présenter sur un plateau, ce qui est faux. L’accès à la culture ne se fait pas dans un one shot”. Il signifie éducation, travail et longue durée. »

Cette tendance prend aussi effet dans un ­contexte sociétal bien particulier. La lame de fond télé­visuelle qui fait et défait les stars d’un soir souffle un vent de désir. Parallèlement, dans un monde connecté où la réactivité en direct efface les frontières et met tout le monde dans la boucle, la ­hiérarchie entre l’artiste et le public semble désuète. Quant à la mise en scène permanente de soi via les réseaux sociaux, elle colonise les comportements.

(…) Le fantasme de la communauté, à l’heure de la ­virtualité galopante, agite ces pièces qui tentent de privilégier le lien social de l’art. « Qu’est-ce que nous mettons en commun avec les spectateurs, ­s’interroge Julien Fournet du collectif Amicale de production. I(…)» Et de promouvoir un spectacle en autogestion dont les concepteurs Antoine Defoort, Mathilde Maillard, Julien Fournet, Sébastien Vial se définissent comme des « intercesseurs ».

Ces stratégies entraînent un brouillage des statuts entre professionnels et amateurs. (…) Sans compter que dans ce grand bain « feel good » du tous en scène, le choc émotionnel, voire cathartique, que procure – et ça arrive encore ! – une œuvre offensive qui vous chavire sans bouger de votre siège, disparaît le plus souvent des radars. (..)

  • Rosita Boisseau
    Journaliste au Monde
 

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/02/20/danse-le-grand-bain-du-tous-en-scene_5082321_3232.html#FmUfOQFL1g7JS2OS.99

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