La petite fée sans chichis !

On ne voulait pas rater ça : le 13 novembre, Lola Lafon revenait au Havre pour lire son dernier roman « La petite communiste qui ne souriait jamais ».

Il n’était pas question de la louper. Son intervention le 16 mai dernier à l’IUT du Havre, lors du festival « Terres de paroles » avait marqué par son originalité et son aplomb. Avec un grand sourire et d’une voix douce, mais ferme, elle avait revendiqué la fidélité à l’esprit de l’œuvre lue à voix haute plutôt que le respect absolu du texte. Et défendu la nécessaire mélodie des mots, des phrases, de leur rythme propre qu’elle mettait d’ailleurs en musique. Un brin rebelle elle nous avait étonnés mais réjouis aussi car on était loin des exercices scolaires de lecture notés autrefois par des maîtres exigeants. Le débat un peu trop sérieux avait pris un coup d’air frais et son sourire d’ange rock en roll avait fait twister la salle… Du coup on avait voulu l’écouter à nouveau au Festival d’Avignon à la table ronde consacrée au corps où elle devait présenter son spectacle (1). Horaire modifié, spectacle complet… c’était raté !

Alors, pour son retour au Havre on était prêts à attendre l’ouverture des grilles sous la pluie !
Le Magic Mirrors. L’endroit idéal pour évoquer la Roumanie: l’ambiance un peu tzigane, les miroirs, le velours rouge, le bar, les instruments de musique sur scène… C’était parfait !
Pendant 1 H 30 Lola Lafon se lance avec grâce dans un spectacle hors norme. Une lecture ? Plutôt une mise en scène de son roman.
Elle enchaîne la lecture des passages clés de la carrière époustouflante de la jeune gymnaste, Nadia Comaneci, prodige inégalée des années 70 qui avait fait boguer les ordinateurs de notations ! 10/10, on n’avait jamais vu ça ! Même à Montréal. Quelle panique ! (« La Roumaine a-t-elle –ou quelqu’un de l’équipe- eu accès aux ordinateurs ? Aurait-elle avalé des produits qui, peut-être, troubleraient le système ? Vous avez perdu la tête mon gars… » p.15).

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La lectrice joue avec son public, avec son propre texte. Elle mime avec grâce les silences étonnés de la petite Nadia pour qui tout ce qui entoure ses prouesses sportives s’apparente à un cirque qui la dépasse. Elle glisse par des pauses discrètes, des silences subtils, les doutes de la jeune roumaine sur la supériorité supposée de la vie à l’Ouest. Et les siens aussi. Elle change de ton sur un mot et redonne à son texte toutes les nuances de son écriture, tout leur éclat qu’on lisse parfois à la lecture. (« En 1989, ils ont donné leur vie pour notre liberté. Ce fut leur cadeau de Noël. Où est-ce cadeau ? Qu’avons-nous fait de cette liberté ?… » p. 253).
La musique assure la transition entre chaque extrait. Olivier Lambert et Julien Rieu, ses deux comparses, accompagnent Lola dans ce qui devient un concert-lecture sur tous les tons. Des balades en français, en roumain, en bulgare ; des morceaux très rock où Lola s’empare de sa guitare. On est interloqués ! Quel talent ! On connaissait depuis « De ça je me console » son goût pour la danse. Voila ce qui explique ce soir la grâce de ses déplacements sur scène. Son goût du rythme aussi. La puissance de ses mots, de la liberté qu’elle revendique. La force avec laquelle elle nous en persuade. Nadia, « la petite fée sans chichis ». Ou Lola ?…
Christine BARON-DEJOURS/ Décembre 2014
(1) Le spectacle « Irrévérences » devrait être repris en 2015. A suivre…

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