Retour sur Avignon 2016-1983

 « Billet d’humeur »

J’ai connu ma plus forte émotion théâtrale grâce au Off en 1983  – dans une rue des Teinturiers d’avant la lourde prolifération des scènes, échoppes et terrasses. 

C’était « Le Journal d’un homme de trop », de Tourgueniev, dans un hangar chauffé à  blanc par le soleil de midi que n’atténuait alors nulle climatisation. Il était porté par un acteur magnifique, membre de la compagnie Catherine Dasté, Serge Maggiani.

Alors, que me reste-t-il deux mois après, des douze spectacles vus cette année en cinq jours ? Exactement comme depuis 40 ans, une impression fréquente de déjà  vu ou d’insignifiance.

Des pièces  légères ou plus graves  (l’humour juif new-yorkais de « Visite à Mister Green », et même « Yvonne », de Grombowicz), plaisantes ,bien jouées mais au souvenir périssable.

Des tragédies aussi, très belles comme « Admète » d’Euripide en  grec moderne surtitré ou un peu plus convenues comme « Luz », sur les bébés volés par les militaires argentins…

Un coup à  l’estomac dans la Cour d’honneur peuplée et chantée par « Babel » (Cherkaoui), grande machine éblouissante et en partie énigmatique. 

Et, en 2016 comme en 1983, la certitude de préférer le théâtre nu, pauvre, évoqué par Olivier Py, celui qui confine au sacré tant il nous remue longtemps : pas de décors, ou réduits à  l’essentiel, pas d’effets spéciaux (sons, lumières, vidéos), juste des textes,  habités plus que joués par des corps et des voix d’interprètes inouïs, entre silences et proférations. Ils nous parlent en résonance très forte avec l’actualité, du devoir de rebellion, de la place des femmes, des migrants, de la guerre et du chaos et de notre pouvoir de choix.

Dans le In, à  la Chartreuse, « Pièces de guerre » d’Eschyle par Olivier Py avec Philippe Girard, Mireille Herbstmeyer et Frédéric Le Sacripan.

Dans le Off, la très troublante Histoire d’Artaud-Mômo, créée en2000 au Chêne noir par Gérard  Gelas pour Damien Rémy qui incarne littéralement un Artaud laissant le public secoué par la conférence mythique que le poète ne put prononcer au Vieux Colombier en 1947.

Toujours dans le Off, le coup de gueule du « Discours sur la servitude volontaire »  écrit à  18 ans vers 1548  par La Boétie, servi et adapté par François Clavier, seul en scène, sans accessoires ou presque.

Enfin, Mary Prince, d’après les « Mémoires »  (publiées en 1831) d’une ancienne esclave antillaise,  à  laquelle Souria Adèle offre sa voix et son émotion contenue.

Voici, plutôt que les grandes formes, des expériences qui aident à  grandir et nous accompagnent longtemps,  à  l’instar de ceux d’Ariane Mnouchkine et Peter Brook naguère.

Pour finir sur un contraste : sur le passage obligé du cloître Saint-Louis, coeur du In, on croise des longues files d’attente devant l’ancien multisalles Palace pour des one-man-show d’humoristes « vus à  la télé », qui répondent au goût d’une partie du public avignonnais.

Sylvie Barot

 

 

 

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