« Semblable à une rencontre humaine, parfois capable de déclencher un sentiment presque amoureux, une œuvre agite quantité de neurotransmetteurs et d’antidouleurs dans notre cerveau. Oui, l’art fait du bien » note Christophe Averty dans Le Monde. Influence positive tout au long de la vie ou compléments thérapeutiques dans les soins, le rôle des arts et de la culture pour le bien-être et la santé est reconnu par l’OMS depuis 2019. Ses vertus présumées sont nombreuses.
S’il y a de multiples façons de fréquenter l’art, la musique a l’avantage d’être accessible de chez soi et se révèle un soutien précieux en temps de crise. Dans The Conversation, Diana Derval nous explique comment la musique nous fait vibrer et peut correspondre à un massage. Sabine Bachut dans L’Influx observe comment, dans le contexte du confinement, « la musique ambient devient aussi une forme de prescription musicale ». Emmanuel Bigand va jusqu’à défendre que « la musique a une importance fondamentale dans l’évolution de l’humanité ». Auteur de « La symphonie neuronale – Pourquoi la musique est indispensable au cerveau », il explore les effets de la musique sur le cerveau, ses bénéfices en termes de santé et d’éducation. La musique influence les êtres humains tout au long des temps de la vie : « les petits ne parlent pas encore, mais ils chantent déjà, et les âgés ne parlent plus mais chantent encore ».
Mais alors comment la fermeture des lieux culturels peut-elle affecter notre santé psychique ? Le neurologue Pierre Lemarquis, auteur de « L’Art qui guérit », s’inquiète sur France Musique d’une vague de troubles psychiatriques : « en limitant l’accès à l’art, on tue ce qui donne envie de vivre ». Anne-Marie Dubois, directrice scientifique du Musée d’Art et d’Histoire (Hôpital Sainte-Anne), explique que l’accès à la culture permet de prendre du recul sur ce qui nous arrive, de nous inscrire dans une histoire et de mieux surmonter des difficultés.

Marine Raimbaud, psychiatre au GHU Paris Saint-Anne et invitée au colloque « Culture : essentielle ? » du Théâtre 14 restitué par News Tank Culture, indique l’importance du « rituel » dans la consommation culturelle (s’habiller, retrouver ses amis, fréquenter des lieux culturels chargés d’histoire…). Mais « regarder des séries en chaîne favorise la dépression », ajoute-t-elle. Thibaud Croisy dans Lundi matin note qu’il « est déconcertant d’être seul, exclusivement seul pour la première fois face à une œuvre d’art, une musique, un poème, des mots, et de vivre l’expérience esthétique sans la présence rassurante des autres. Ça fait frémir parce qu’on est seul devant soi. »
Tout cela n’est pas sans résonance avec le concept de « santé culturelle » développé par la psychanalyste Sophie Marinopoulos en 2019 dans un rapport pour le ministère de la Culture. Depuis une vingtaine d’années, elle observe que les enfants « présentent des signes de malnutrition culturelle », ainsi qu’une détérioration des liens parents-enfants. « Nos relations humaines se sont appauvries, nous parlons peu, moins ou alors sur un mode informatif. La narrativité a disparu des liens familiaux. […] Ce n’est pas avec des objets que le bébé veut communiquer, mais avec d’autres sujets, lesquels doivent lui proposer une véritable nourriture culturelle. » D’où l’importance d’une politique d’éveil culturel et artistique des jeunes enfants, telle que celle engagée par le ministère de la Culture. Prendre soin de la relation parents-enfants, « c’est prendre soin de l’humanité », indique Sophie Marinopoulos, invitée récemment outre-Rhin par la Fondation Genshagen. Elle défend l’idée que la santé culturelle, porteuse d’apaisement personnel et de pacification sociale, doit trouver sa place dans les programmes de l’OMS.
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