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Performances ? Performances !

A propos de l’événement du Festival WHOOPEE/ 16 et 17 mai 2014 – Satellite-Brindeau

Il fallait pousser la porte du Satellite-Brindeau ce beau week-end de mai pour entrer dans un monde nouveau.

Oublier la rue un peu triste qui mène aux bassins du port hérissés de grues métalliques  et entrer dans cette maison coquette qui résiste aux immeubles fatigués et aux parkings alentours. Passer la porte et découvrir le Festival WHOOPEE et ses invités*,  focalisé cette année sur des performances artistiques autour du thème de la matière.

Des « performances »… ?  Je pense  au « Performance » de Mick Jagger, le film des Rolling Stones sorti en 1970 et ce bond en arrière me ravigote. Mais ici, au Satellite-Brindeau, que va-t-il se passer? Sans la « Grande Conversation » organisée par notre M.C.H. (l’association Maison de la Culture du Havre) je n’aurais pas découvert ce lieu « intermédiaire », original et chaleureux qui conjugue art contemporain, arts visuels et spectacle vivant. Quel dommage !

Dès le hall d’entrée Patricia** accueille le public avec son sourire rayonnant et met tout le monde à l’aise. On se sent bien ici. Pas de chichi et partout du mouvement. Un lieu bien vivant. On passe d’une pièce à l’autre pour accéder à la salle de spectacle, à l’étage. Des piles de flyers, des affiches bariolées (mises à jour !), des livres à vendre ou à feuilleter qui nous accompagnent comme les cailloux du Petit Poucet à travers les pièces. On traverse l’expo lumineuse de  Yves BODIOU « Matière et Objet ». On croise des gens qui vont et viennent, souriants, affairés à de drôles de tâches ! Jérôme*** est très occupé à nouer minutieusement des bouts de ficelles dans des bacs à glaçons, assis dans l’escalier…Une jeune fille toute frêle transbahute difficilement de  gros chaudrons pleins d’eau… Un jeune homme déballe amoureusement un saxo de la sacoche de son  vélo… Dans le jardin, sous le cerisier, un autre fume tranquillement sa clope, nu sous son peignoir de geisha… Et quelqu’un cherche désespérément une soupe à la tomate ! Quelle ambiance surprenante ! Pas de stress mais une agitation joyeuse. On est à la fois dans les coulisses bourdonnantes des loges, dans les couloirs d’une maison où se préparerait une fête surprise orchestrée par une bande de copains,  loin en tous cas de la rigidité compartimentée des spectacles qui sépare le public des artistes.

Qui va faire quoi ? Qui joue ? Qui regarde ? Je serai bien étonnée de retrouver plus tard, sur scène, mon voisin de bar en « tenue » de performer (pour public averti !).

C’est l’heure ! Pat  bat le rappel dans son porte-voix un brin  rétro. Tout le monde à la cave ! Pardon… ?

Le premier spectacle de Gaël L., « Danaïde », nous attend. Une belle installation occupe l’entrée de la cave, quelques marches en contrebas : dans une lumière très douce, une femme nue semble se noyer dans une vasque en verre posée au sol, sous une suspension taillée comme un diamant  d’où tombe un goutte-à-goutte lancinant. Une carpe virevolte dans cette suspension qui se vide inexorablement… Il faut remplir la coupe pour que le poisson ne meure pas !

Pendant 30 minutes la belle Lucia Mendoza va tenter de lutter contre le temps qui s’écoule, contre l’eau qui coule sans que rien ne puisse l’arrêter. Rien d’autre. Pas un mot. Juste le temps qui passe et la mort qui guette. Comme Sisyphe à son rocher, la gracieuse Danaïde enchaînée à cette fontaine n’a que son corps nu et ses cheveux d’ébène à opposer à cette clepsydre  qui  scelle son tragique destin.

Dans un ballet rythmé par des bruits de vagues et des vapeurs d’écume qui s’accélèrent parfois, la belle naïade agenouillée va éponger l’eau avec sa chevelure dénouée, plongeant avec rage sa tête dans l’eau froide avant de se redresser d’un coup de rein nerveux, déesse antique aux bras levés qui  tord ses boucles dégoulinantes au-dessus du poisson diabolique. Avant de replonger et replonger sans cesse pour remplir la vasque qui se vide toujours. Aiguille vivante d’un cadran éternel, son corps nu se déplacera à chaque plongeon comme s’il tournait sans fin autour des heures.  Quand les portes se refermeront sur ce supplice infernal nous abandonnerons à regret la belle prisonnière à son destin cruel.

Toute la soirée, et le lendemain aussi les performances enchaîneront les surprises, l’étonnement, le rire, la colère, exacerbés par ces corps nus offerts généreusement et sans aucune gêne à nos regards malgré leurs imperfections parfois. Mais on n’est pas au Crazy ici ! La nudité, vecteur ultra-rapide d’émotions  nous  sort des sentiers convenus de l’érotisme affiché, des images à la mode sur papier glacé, des nuances de gris ou d’autres couleurs et ouvre les portes d’une intimité partagée. Curieusement ces sexes n’excitent pas, ne choquent pas non plus. C’est déconcertant et très fort.

Alors que « La Grande Conversation » abordera le samedi les ressources nouvelles qui font vibrer les plateaux de théâtre et d’opéra à grand renfort de technologie coûteuse, on est heureux d’être touché ici avec des petits riens : un sac poubelle, un rouleau de papier d’alu (papier d’ « art-gens »), un jupon de mariée en tulle sur le corps nu d’un homme bien en chair, un vieux phono, un collier de glaçons à l’encre noire qui fond sur une chemise blanche, une drôle de soupe à la tomate, quelques notes de saxo sous les arbres…

C’était un beau week-end de mai rue Brindeau !

Christine BARON DEJOURS, mai 2014

*les performeurs invités :
 -Paris :Mathieu Bohet, Sandrine Lehagre et Yérri-Gaspar Hummel, en lien avec l’association « Corpus in Act » 
-Caen : Annliz Bonin (anXiogène) et Gaël L. (Compagnie L.)
-Le Havre : Mary Berkelmans, Marie Desormeaux et Jérôme Le Goff,en lien avec l’association « Poisson Pirate Production ».
**Patricia Uttley, responsable du Satellite Brindeau
*** Jérôme Le Goff, vidéaste et performer

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