POUR LE CENTENAIRE D’ANNE UBERSFELD

Anne Ubersfeld aurait eu cent ans cette année. Je ne reviendrai pas sur l’œuvre immense d’Anne qui nous réapprit à lire le théâtre dans des approches d’une grande rigueur théorique. Je ne parlerai pas non plus de l’extraordinaire professeur, au lycée d’abord puis à l’Université, où elle fascina tant d’élèves et d’étudiants dont certains devinrent à leur tour d’éminents universitaires. J’évoquerai seulement les rapports d’Anne avec notre bonne ville.

En 1970, elle publie chez Seghers un ouvrage sur Armand Salacrou dont elle s’attache à montrer la modernité, notamment dans la construction de ce qu’elle appelle une dramaturgie du temps qui s’affirmera avec éclat dans l’Inconnue d’Arras qui aurait inspiré Citizen Kane d’Orson Welles. C’est au titre de ces travaux qu’avec le soutien de la Bibliothèque du Havre et de l’I.UT., Anne a participé à la réalisation de deux vidéos sur la vie et l’œuvre du dramaturge havrais réalisées par André Richard avec la participation d’Alain Le Métayer, à partir d’entretiens que j’ai eu le plaisir de conduire. Tout naturellement Anne participe au colloque international tenu au Havre en 1985 Armand Salacrou ou Les voies du Théâtre contemporain dont j’ai assuré l’organisation et dont les Actes furent publiés aux éditions Corps-Puce en 1990. Elle vient encore dans notre ville en 1999, à l’occasion des manifestations du centenaire du dramaturge havrais organisées en 1999 par Jean-François Masse.

C’est à partir de ses travaux et de nombre de ses photos que j’ai réalisé en 1998 pour le Festival Terres d’auteurs l’exposition L’Objet au Théâtre présenté dans le foyer du Théâtre de l’Hôtel de ville. Anne donne encore à l’Université du Havre une conférence Victor Hugo et l’Espagne au cours de l’édition de Terres d’auteurs consacrée au Théâtre contemporain espagnol. Elle est surtout une contributrice éminente des Rencontres nationales de dramaturgie du Havre (Terres d’auteurs 1996) dont les Actes seront publiés aux Editions des Quatre-Vents. Et puis j’ose rappeler qu’en 1982, Anne avait préfacé ma pièce Chute libre, donnée en décembre de cette année-là pour la période inaugurale du nouvel Espace Niemeyer, texte qui sera repris dans l’édition d’Actes Sud en 1986.

Au long des années, Anne est devenue une amie. Je la retrouvais à Paris ou au Festival d’Avignon et je me souviens de la magnifique causerie qu’elle y fit sur Antoine Vitez. Mon admiration pour elle énervait parfois ma mère qui me lançait, un peu pincée : « Toi et ta Madame Universel. » Après tout, le surnom lui convenait assez bien, tant sa culture était immense. Mais elle aimait aussi la vie, la bonne chère et ses chats dont je lui demandais des nouvelles quand elle s’emportait un peu trop contre des spectacles, des critiques, des assertions de certains collègues, les miennes parfois. Il lui arrivait d’évoquer aussi la période de la guerre où elle résista crânement, en choisissant, non de raser les murs, mais de parader devant l’occupant qui ne pouvait imaginer que cette petite bonne femme, avec ses rutilantes robes plutôt courtes, était une authentique résistante. Elle était ainsi Anne. Un rien bravache. Et ce, dès l’enfance, où elle décida, à la suite de je ne sais quel différend avec une camarade, qu’elle ne se laisserait jamais humilier : ni comme femme, ni comme juive, ni comme intellectuelle. Et elle tint parole.

Yoland SIMON

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