HOMMAGE A G. ROSEVEGUE, dans Le Monde

Georges Rosevègue s’est éteint à Paris jeudi 16 novembre, à l’âge de 76 ans, soutenu jusqu’au bout par son épouse Paulette et ses trois enfants. Il a été inhumé à Sainte-Adresse, sur les hauteurs du Havre, la ville qui l’a vu grandir et où son empreinte reste visible.

 Entre 1975 et 1984, en tant que directeur de la Maison de la Culture du Havre, la première en France née en 1961 sous l’impulsion d’André Malraux, Georges Rosevègue sut fédérer élus, artistes, syndicats et citoyens autour du grand projet de l’époque, dans une cité océane dirigée par le maire communiste André Duroméa : la construction de l’espace Oscar Niemeyer. Il travailla main dans la main avec le célèbre architecte brésilien, père de Brasilia ou du siège du Parti communiste français, place du Colonel-Fabien, à Paris, pour offrir un écrin de choix à la vie culturelle havraise et un emblème toujours d’actualité. Résultat d’un chantier de quatre ans et d’un long combat politique, le bâtiment contemporain, immaculé et tout en courbes, est inauguré en novembre 1982.

 Pionnier, il illustre alors la volonté de décentraliser la culture. Le Volcan, comme il sera plus tard rebaptisé en raison de sa forme, devient une Scène nationale en 1991. « Modeste, Georges ne se mettait jamais en avant, mais il a été la cheville ouvrière du projet », raconte Isabelle Royer, présidente de l’association Maison de la Culture du Havre. « Un ami, un frère, un grand constructeur qui a, avec d’autres, car il ne pensait que collectivement, concrétisé l’utopie de la culture partagée par tous », poursuit son prédécesseur à la tête de l’établissement, Bernard Mounier.

 Né en 1941 à Montpellier, d’un père juif polonais et d’une mère juive roumaine de Bessarabie, tous deux étudiants en médecine, Georges Rosevègue passe les premières années de sa vie en Isère, caché dans une ferme sous une fausse identité. Ses parents, résistants, glissent parfois des tracts dans son landau. En 1950, la famille, agrandie, s’installe au Havre, ravagé par la guerre, où son père est nommé directeur du contrôle sanitaire aux frontières. Après sa scolarité au lycée François-1er, Georges rejoint la faculté de sciences économiques de Rouen. Il y découvre le militantisme au sein du syndicat étudiant UNEF. De retour au Havre, il devient animateur à la Ligue de l’enseignement et à la Fédération des oeuvres laïques du Havre, avant d’intégrer la Maison de la culture en 1970.

 D’abord administrateur puis directeur adjoint, il en prend la tête en décembre 1974. En vue de porter le projet d’Oscar Niemeyer, son profil de gestionnaire et d’homme de gauche – il fut adhérent du PCF avant de rendre sa carte, déçu notamment par l’abandon du programme commun – fait consensus entre ses autorités de tutelle, mairie et État. Sa « ténacité », son « humanisme », son « professionnalisme extrême », salués par ses amis, ont raison des multiples embûches. Face à l’État giscardien, renâclant à financer le chantier pourtant prévu au titre des dommages de guerre, il remue ciel et terre, parcourt marchés et usines pour faire remonter à Paris une pétition citoyenne signée par 12 000 Havrais. « Remarquable pour une cité ouvrière », pointe Sylvie Barot, ancienne directrice des archives municipales. Le projet culturel s’avère à la hauteur du lieu. Partisan d’une émancipation par la culture, Georges Rosevègue jette des ponts vers le monde ouvrier en se rapprochant des comités d’entreprises. Et fait du nouveau site une pépinière bouillonnante adaptée aux créateurs internationaux et artistes locaux.

 Il poursuit sa carrière à Paris à partir de 1985. D’abord au sein de la mission interministérielle des grandes opérations d’architecture et d’urbanisme – les « grands travaux » de François Mitterrand – puis au centre national Georges-Pompidou pendant plus de dix ans. Son dernier poste le conduit au ministère de la Culture, où il fut, jusqu’à sa retraite en 2006, chargé du monde du travail, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations.

 GILLES TRIOLIER (Le Monde)

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