DANS LE CADRE DU 80ème ANNIVERSAIRE DE LA LIBÉRATION

4 FILMS dont TABLE RASE de Christian ZARIFIAN AU CINEMA « LE STUDIO » EN JUIN 2024

LE TRAIN De John Frankenheimer  et Bernard Farrel (Franco-américain, 2 h 13 mn)

Le film s’inspire d’un épisode réel de la Seconde Guerre mondiale : les      péripéties du train dit « d’Aulnay » en août 1944, dont le chargement contenait des œuvres d’art et dont l’acheminement vers l’Allemagne fut stoppé grâce à l’action de cheminots de la Résistance.

         En août 1944, le colonel nazi Franz von Waldheim, amateur d’art et spoliateur, fait évacuer vers l’Allemagne les fruits de son pillage    artistique en raison de l’avance alliée sur le territoire français.  Parmi eux figurent indistinctement des tableaux de maîtres appartenant à la galerie nationale du Jeu de Paume et des œuvres dites « dégénérées », prises aux Juifs. Des caisses contenant les œuvres, tableaux et objets, sont transportées jusqu’à une gare pour être chargées dans un train de marchandises en partance pour l’Allemagne

 LE TEMPS D’AIMER, LE TEMPS DE MOURIR  De Douglas SIRK (U.S.A, 1958, 2 h 13 mn)  

 Ernst a sa première permission depuis deux ans et revient dans son village qu’il retrouve écrasé sous les bombes ; ses parents ont disparu. Elizabeth Kruse, une amie d’enfance, fille du médecin de sa mère, lui apprend que son père à elle a été emmené par la Gestapo. Les bombardements alliés sont incessants et viennent interrompre les moments de calme. Ernst et Elizabeth tombent amoureux l’un de l’autre et vivent un amour bref. Dans l’urgence de la guerre, ils décident de se marier.

UN CONDAMNÉ À MORT S’EST ECHAPPÉ De Robert BRESSON (France, 1956, 1 h 39 mn)                       

 En 1943, un résistant, Fontaine est arrêté par les Allemands et emprisonné à la prison Montluc à Lyon. Il met tout en œuvre pour s’évader, imagine un plan, et parvient à s’en procurer les instruments. Mais juste avant sa fuite, on affecte à sa cellule un autre prisonnier. Fontaine hésite à le supprimer, et l’emmène finalement avec lui. Leur évasion en pleine nuit est longue et incertaine…

 TABLE RASE De Christian ZARIFIAN (France, 1988, 79 mn) du 19 au 25 juin 2024

Le 5 septembre 1944 a lieu sur Le Havre le bombardement le plus meurtrier de la guerre en France. Le résultat est à la hauteur des moyens mis en œuvre par l’aviation anglaise : 3.000 morts, le cœur de la ville rasé, anéanti, sans aucune raison militaire apparente.

Table Rase fait le tour de ce qui reste de l’évènement.

Il se veut en même temps poème cinématographique sur une ville toujours détruite et toujours reconstruite. Une drôle de ville, laide et belle, provinciale et internationale, grande et étriquée, amorphe et lyrique, dont la lumière reste inégalée.

« Le Havre est actuellement en grande partie détruit, et j’aperçois cela de mon balcon, qui domine le port d’assez loin et d’assez haut pour qu’on puisse estimer à sa juste valeur l’effarante table rase que les bombes ont faites du centre-ville, comme s’il s’était agi de renouveler, dans le monde réel, sur un terrain peuplé d’êtres vivants, la fameuse opération cartésienne… »                                       

 Michel Leiris (préface à « l’âge d’homme »

 Alain BERGALA (Cahiers du cinéma, 1988) écrivait :

UN FILM A LIBÉRÉ LA VILLE A PROPOS DU FILM « TABLE RASE »  de Christian ZARIFIAN

       Dès le premier plan – superbe – du film, l’enjeu est donné, il s’agit pour Christian Zarifian d’inscrire un trauma du passé dans le regard même qu’il porte aujourd’hui sur cette ville du Havre qu’il connaît mieux que quiconque. La caméra survole un rythme de vagues, attrape un bout de plage, découvre une large avenue, décrit un large cercle sur des      immeuble du centre-ville et retourne à la mer dont elle est venue.

         Ce plan est avant tout musique, rythme, sensation, cinéma pur. Jamais  dans Table Rase, les images, qu’elles soient d’aujourd’hui ou d’archives,  ne sont exhibées de façon inerte, comme pure caution, Zarifian réussit  à nous faire voir le présent des images qu’il a retrouvées du passé, et le passé qui hante le présent de cette ville.

         Table Rase est sans aucun doute une des tentatives les plus           cinématographiquement intelligentes pour rendre compte de ce qui reste d’un trauma collectif (dans les consciences, mais aussi dans la réalité même, matérielle, d’une ville) à travers un agencement d’images et de rythme où le réel, au sens lacanien, affleure soudain de la façon la plus vive et imprévisible, indépendamment ou presque de tous les discours qui s’entrecroisent sur cet événement et qui devraient, logiquement, le recouvrir d’une couche supplémentaire d’oubli et de                 refoulement.

         Cet événement, qui continue à faire énigme pour les historiens, c’est le bombardement par les Anglais, de la ville du Havre, à la fin de la guerre, alors que tout a déjà été joué au niveau national.

         Le 5 septembre 1944, en l’espace de deux heures, le centre du Havre est détruit, systématiquement, méthodiquement, par l’aviation anglaise, laissant quelques milliers de morts, des civils non évacués, sous les décombres.

Avant d’entreprendre le tournage et le montage de ce film, Christian Zarifian a enregistré, en vidéo, des centaines de témoignages vidéo de Havrais ayant vécu, il y a 44 ans, cette journée d’horreur.

Le montage alterné d’une vingtaine de ces témoignages constitue le deuxième mouvement du film. Là encore, avec la plus grande droiture dans le filmage et le montage, Zarifian réussit à toucher un réel que l’on n’attendait pas : ces gens-là, qui parlent de ce que fut sans aucun doute la journée la plus terrifiante de leur vie, nous disent quelque chose que le cinéaste nous permet d’entendre : qu’à cette époque-là, ils étaient jeunes, que leurs sensations étaient fraîches, qu’ils se souviennent aussi bien des petits papiers argentés tourbillonnant dans le soleil, lâchés par les avions de reconnaissance, que des images d’horreur incroyablement cruelles dans la précision des détails avec laquelle elles sont décrites sans aucune trace de moralisme ni de haine rétrospective.

Tout se passe comme si ces gens racontaient quelque chose qui a concerné avant tout leurs sensations, comme s’ils avaient la certitude intime que l’inexactitude de cette sensation est la seule façon juste, pendable, d’en rendre compte, comme si tous les autres discours (moraux, historiques) étaient disqualifiés d’avance pour rendre compte de la pointe de l’horreur, du moment du trauma.

Le dernier mouvement du film, de superbes images d’un regard qui rôde dans les rues de la ville, au moment où elles se vident, où le soir qui tombe les rend à leur mystère, puis au lever du jour, est l’une des plus belles tentatives que je connaisse de catharsis visuelle et musicale. Quelque chose rôde, un regard venu d’ailleurs, qui cherche à se libérer d’une hantise ancienne, une conscience en tat d’attention flottante, un travail inconscient s’opère dans les cadrages, les musiques, le rythme, une latence pulse, et soudain, magnifiquement, un énorme poids disparaît de la poitrine, la caméra prend de la vitesse, une vitesse folle, ivre de sa liberté, se dégager du passé, de la pesanteur, du vieux trauma, et s’envole sur la mer.  UN FILM A LIBÉRÉ LA VILLE.

https://cinemalestudio.com/

 

 

 

 

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