Le stand-up au Volcan
Pour la première fois, un théâtre public, le Théâtre de Strasbourg met le genre à l’honneur pendant une semaine, du 10 au 15 mai. La directrice du lieu, Caroline Guiela Nguyen, et Merwane Benlazar, l’un des humoristes invités de l’événement sont interviewés dans le Monde du 12 mai 25.
La directrice du Volcan, Camille Barnaud, se propose également d’inviter du stand up « cet art de la parole et de la vanne » sur la scène du Volcan. Voyons ci-dessous pour quelles raisons.
EXTRAITS
Caroline Guiela Nguyen : J’ai toujours travaillé avec la volonté de battre en brèche l’idée qu’il existerait une hiérarchie, une classification des cultures. C’est profondément ce qui crée du mépris social et, surtout, ce qui nous empêche d’accéder à des formes d’art puissantes, parce que l’on estime que telle création relève du théâtre public et telle autre du théâtre privé, sous prétexte que cette dernière serait commerciale et pour le peuple…
Pourquoi ces spectacles-là ont-ils leur place dans des théâtres nationaux et pas le stand-up ? Parce que le stand-up c’est de l’humour ? Parce qu’il aborde des sujets très contemporains ? Parce qu’il est grand public ? La question qu’on devrait poser est : pourquoi, pendant très longtemps, n’avons-nous pas considéré que ce genre pouvait être dans des théâtres publics et un élément important de la culture commune ?
Merwane Benlazar. : Lenny Bruce [1925-1966], l’un des premiers stand-upeurs américains, a fait plusieurs séjours en prison parce qu’il évoquait des sujets très tabous pour l’époque. Officiellement, on lui reprochait sa vulgarité, et la police venait l’arrêter lors de ses shows. C’est ça, la base du stand-up : le principe même était de déranger. Il n’y avait pas encore de comedy clubs, le public le découvrait dans des clubs de jazz. On n’avait pas l’habitude, peut-être, de rire fort, de faire du bruit, d’être choqué, d’avoir toutes ces émotions.(…)
Caroline Guiela Nguyen : Le stand-up, c’est vraiment de l’écriture. C’est ça que j’adore. En tant qu’autrice, quand j’écoute du stand-up, je suis dans un rapport très simple d’humour, mais aussi parfois dans la pensée politique. Réussir à écrire sur des sujets très actuels, en trouvant l’endroit où ça peut nous faire rire sans que ça flingue toutes les personnes autour, je trouve que c’est une prise de risque assez dingue.
La question des publics, c’est mon obsession. J’ai toujours fait du théâtre en me disant : je veux que ce soit un lieu hospitalier, dans lequel ma mère se sente totalement à sa place. Je ne veux pas qu’elle entre dans la salle avec la peur au ventre, en ayant l’impression que ce n’est pas pour elle. Il ne s’agit pas uniquement d’accueillir du stand-up pour qu’il y ait des jeunes, des publics divers, mais de dire à ces publics-là : ce que vous aimez a de la valeur. Pour moi, il n’y a rien de plus violent, dans la vie, que d’attaquer les gens sur leurs goûts, de leur dire que ce qu’ils aiment n’est pas culturellement admissible.
Je suis très heureuse que le public qui ne va pas voir habituellement du stand-up, qui n’en connaît pas les codes, puisse y participer, mais aussi côtoyer un autre public, qui, lui, est très habitué à cette discipline. Il s’agit, finalement, de créer une nouvelle communauté dans la salle.
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