Entretien au « Monde » avec le président du Centre national de la musique

Jean-Philippe Thiellay, le président du Centre national de la musique (CNM) se veut optimiste sur la tenue des festivals et le retour du public dans les salles de concerts. Malgré la crise sanitaire qui a mis à l’arrêt toute la filière du spectacle vivant, aucune faillite n’est à déplorer. Il appelle à une réflexion sur la politique publique de la musique. Centre national de la musique : 5 000 projets soutenus en 2020

Bon nombre de grands festivals de musique – Solidays, Hellfest, les Eurockéennes, Rock en Seine, Lollapalooza, Main Square… – ont annulé leur édition. Qu’en dites-vous ?

Les festivals « debout » avec les jauges les plus importantes ont attendu le plus longtemps possible mais les conditions étaient trop mouvantes et les artistes internationaux n’allaient pas venir, ce qui les a contraints à annuler. Cela représente des centaines de milliers de billets et ce qui est perdu est perdu.

Malgré tout, je suis plutôt optimiste sur la venue du public dans les autres festivals et la possibilité d’écouter à nouveau de la musique live. Bon nombre de ceux-ci, de toutes les esthétiques, dans tous les territoires, pourront se tenir, à Bourges, La Rochelle, Clermont-Ferrand, Arles (Bouches-du-Rhône), Aix-en-Provence, La Côte-Saint-André (Isère), Coutances (Manche) entre tant d’autres… Evidemment, ce n’est pas un été normal, mais on a travaillé avec le ministère de la culture pour que les festivals puissent redémarrer. Nous y sommes.

Le Syndicat des musiques actuelles s’inquiète de l’obligation de compter 4 mètres carrés par festivalier. Et qui vérifiera le passe sanitaire ? Comment éviter l’affluence à l’entrée, contraire aux gestes barrières et aux mesures antiterroristes ?

Toutes ces questions de législation, de réglementation et d’autorisations préfectorales se posent à l’Etat. Il y a encore beaucoup d’incertitudes et je partage l’inquiétude voire le désarroi des professionnels, mais, d’ici à un mois, les réponses seront données et le concert-test qui s’est déroulé samedi 29 mai à l’AccorHotels Arena de Bercy apportera de nombreux enseignements.

Sur le passe sanitaire, beaucoup de questions restent ouvertes, les positions ont évolué, les professionnels comprennent qu’il n’y a pas 36 000 solutions pour reprendre. Les jeunes se précipitent vers les vaccins. Là aussi, je suis optimiste et si la situation sanitaire continue sur cette tendance, tout peut s’organiser.

Le dispositif d’accompagnement économique est désormais prêt pour l’ouverture des festivals. Le fonds est ouvert au CNM depuis le 19 mai et nous avons déjà reçu une centaine de dossiers. Ce dispositif permet de prendre en charge les pertes d’exploitation jusqu’à 400 000 euros.

« En 2020, nous avons versé 100 millions d’euros à la filière musicale et très majoritairement au spectacle vivant »

Comment les salles de concerts sortent-elles de cette pandémie ?

Pour l’heure, aucune faillite n’est à déplorer dans le spectacle musical et de variétés, grâce aux dispositifs transversaux mis en place par l’Etat et aux aides sectorielles.(…)

Les concerts virtuels sont-ils un pis-aller ou vont-ils modifier le comportement du public ?

Je suis convaincu que rien ne remplace le live. Si l’on n’est pas dans la salle avec les musiciens, l’expérience n’est pas la même et elle ne peut se substituer à celle d’un concert. Pour autant, les concerts en streaming, gratuits ou payants, ont pris de l’ampleur en 2020 et c’est une bonne nouvelle.

Il faut passer à l’âge de la maturité, saisir les opportunités du streaming pour toucher des publics éloignés ou empêchés. La condition de ce développement tient à la mise en place de modèles économiques. Or, la gratuité n’en est pas un pour la musique.

Le CNM aide à hauteur de 15 millions d’euros la captation de milliers d’heures de concerts, aussi bien Pelléas et Mélisande à l’Opéra de Rouen que des concerts de jazz au Petit Duc à Aix-en-Provence, un groupe de métal au Ferrailleur à Nantes ou encore le Printemps du rire à Toulouse, tous diffusés ensuite à la télévision ou en streaming.

Cela a notamment aidé les jeunes, sortis des conservatoires, à acquérir leurs premiers droits pour pouvoir bénéficier, un jour, de l’intermittence. (…)

Les aides à la musique en France ont-elles été plus généreuses qu’ailleurs ?

La musique a bénéficié des dispositifs transversaux extrêmement puissants, mis en place par l’Etat : les reports de charges, les prêts garantis, le fonds de solidarité aux entreprises. Sans compter le maintien des droits des intermittents du spectacle pendant seize mois. Toutes aides sectorielles confondues, on approche 400 millions d’euros d’aides du CNM (jusqu’en 2022) pour les entreprises de la filière musicale.

Les professionnels eux-mêmes reconnaissent qu’il fait bon travailler en France. (…)

Après cette crise, quelles principales réformes faudra-t-il engager ?

On ne peut pas faire l’économie d’une réflexion sur la politique publique de la musique que nous voulons dans notre pays. En janvier 2020, à la création du CNM, j’avais proposé l’organisation d’Etats généraux de la musique ; je crois qu’il serait bon de les tenir, avec l’Etat, les collectivités territoriales et tous les acteurs, publics comme privés.

Quant au financement de la filière musicale, le sujet est loin d’être bouclé. Avant la crise, la musique était une des industries culturelles les moins aidées par la puissance publique.

Il faudra assurer durablement le financement de la création musicale par d’autres moyens que la seule taxe sur les spectacles de musiques actuelles et les subventions de l’Etat, en associant notamment le monde numérique. La crise doit nous conduire à accélérer ces réflexions.

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