Une journée aux rencontres photographiques d’Arles, août 2017

Comme le spectacle vivant à Avignon, la photographie témoigne de notre monde en crise en le reflétant à travers les regards singuliers des artistes. A Arles , le programme est si foisonnant qu’il faut se résoudre à choisir une poignée d’expositions, à portée de nos pas, dans des lieux éparpillés intra et extra-muros: du merveilleux cloître Saint-Trophime à un garage désaffecté via le très bel Espace Van Gogh où le peintre fit de cours séjours avant Saint-Rémy.Un mois plus tard, quelles sont les impressions-rétiniennes et mentales- qui subsistent ?
​Passons vite sur l’étrange Japonais Masahisa Fukase, une gloire dans son pays, au destin tragique mais dont les images ne nous ont pas laissé une trace prégnante, hormis des portraits de famille et des vols de corbeaux.D’autres parcours nous ont semblé anecdotiques, usant de concepts creux; Dune Varela revisitant des monuments emblématiques pour mieux les malmener à l’aide de procédés techniques faciles ou Christophe Rihet livrant dans « Road to death » des vues couleur larges et lisses des lieux désertés de leurs morts violents( James Dean,Grace Kelly, Kennedy, Camus…).
​Retenons par contre Niels Ackermann et Sébastien Gobert qui, dans le passionnant « Good Bye Lenin », partent en quête des quelques 5000 statues déboulonnées en Ukraine depuis sa révolte des années 90 pour finalement nous livrer, entre nostalgie, dérision et espoir, un portrait collectif actuel de ses habitants. Et, grâce à l’impressionnante passion d’un Poniatowski collectionneur, gardons fortement à l’esprit  « Pulsions urbaines, photographie latino-américaine, 1960-2016 » une rétrospective vive et crue qui jette la lumière sur des chaos urbains souvent tragiques.

​Mais le plat de résistance fut-c’est le cas de l’écrire- « The house of the Ballenesque » du mutliprimé Roger Ballen, Newyorkais travaillant de longue date en Afrique du Sud;il dispose d’une fondation et d’un site en ligne et il nous  prévient d’emblée,sur un cartel, que nous entrons dans son théâtre intime, son installation n’étant qu’une métaphore de ses pensées profondes, rien que ça ; Pour faire plus court, « ma petite boutique des horreurs » eut suffi ! il faut imaginer une demeure décatie, squattée en dernier lieu, et dont les pièces sont plongées dans la pénombre,aux murs couverts de graffitis grimaçants, avec l’accompagnement sonore de vagissements désespérés de nourrissons.Le reste est à l’avenant, inspiré des pires films d’épouvante passés et présents qui montrent tout au lieu de suggérer:un capharnaüm repêché dans les brocantes du coin, canapés défoncés, vieux postes télé déversant les vidéos du maître et de ses oeuvres violentes,miroirs fanés, draps souillés, masques mortuaires et animaux empaillés de diverses espèces agrémentés parfois de barbelés les encageant, baigneurs géants en celluloïd plus ou moins démembrés aux visages déformés, jouets cassés, outils de forge poussiéreux…Arrêtons là cet inventaire glauque auquel il ne manquait que des rats courant entre les visiteurs sidérés, piégés et transformés en voyeurs malgré eux. En témoignaient nos échanges à la sortie avec d’autres rescapés, qui, comme nous, avaient subi puis fui cette épreuve.
Le mot de la fin revient à l’auteur lui même-photographe à l’origine, controversé pour ses portraits affligeants, à la façon de Diane Arbus, d’afrikaners pauvres-qui explique doctement que  » déboussolés et angoissés, nous en ferons des cauchemars et n’oublierons jamais  » . En effet, même si nous dormons bien, le réel suffisant à alimenter nos craintes…

​Juste après, dans le hangar voisin, la réalité simple nous rattrapait avec le travail lumineux et fraternel de Matthieu Pernot qui a suivi et accompagné durant plus de vingt ans « Les Gorgan », famille rom arlésienne dont les tribulations nous rassureraient presque sur notre commune humanité, malgré leur mode de vie étrange à nos yeux de nantis.
Sylvie Barot ‌

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