À BICYCLETTE
La promenade à vélo s’inscrit benoîtement dans le scénario de films innombrables. Elle installe, le plus souvent, une pause dans l’action en cours, en suspend le déroulement dans une intemporelle durée. Et la caméra s’attarde sur ce symbole de réconciliation générale, de bonheur partagé par un bel après-midi de vacances, sur les routes de Bretagne, de Vendée ou de l’île de Ré.
Soudain, les disputes s’apaisent, les frictions s’adoucissent et les drames qui s’annonçaient sont remis à plus tard. Chacun savoure ce moment où le destin montre d’étranges faiblesses, une surprenante distraction. Les plans, plus ou moins resserrés sur la théorie des cyclistes, se fixent sur des visages souriants, des cheveux joliment décoiffés par un vent complice et des traits à peine marqués par un effort très supportable. La nature se laisse contempler au rythme de cette balade, moins monotone que la marche à pied, moins fugitive que la course des trains, des automobiles. Une musique appropriée accompagne généralement cette séquence d’innocente joie, de paix retrouvée.
Un peu plus tard, les bécanes rangées ou négligemment abandonnées, il faudra se retrouver dans des résidences peuplées de familles et d’amis, encombrées d’enfants et d’animaux familiers. Et, favorisés par cette dangereuse promiscuité et par le délicat partage des dépenses et des tâches ménagères, retrouver aussi ces querelles larvées, ces sournois affrontements, voire ces violents conflits qui éclatent parfois comme les orages et qui sont les ingrédients ordinaires de toutes les fictions lorsqu’elles évoquent nos vies.
Yoland SIMON in Variations