Souvenirs du Havre, le temps passe…

Ma petite france Le Havre, en rouge et bleu

En cette année électorale, des journalistes du  » Monde  » reviennent sur les lieux qui ont marqué leur jeunesse. Un retour dans le passé pour comprendre le présent C’est une ville à fleur de peau, reconstruite sur des ruines, blessée par le déclin de l’industrie et la fin du rêve transatlantique. Tiraillé entre l’héritage des docks et celui du grand négoce, le port normand a été pendant trente ans un bastion communiste, avant de se tourner vers la droite

 

Le 18  juin 1977, on a brûlé un patron en place publique au  Havre, ma ville natale. Ce n’était pas un patron en chair et en os, juste une effigie de carton. Mais le petit garçon de 10 ans que j’étais avait été impressionné par sa taille et, plus encore, par le brasier qui s’ensuivit. L’image est restée gravée dans ma mémoire. Quarante ans après, elle a ressurgi lorsque je suis arrivé sur la place de l’Hôtel-de-Ville, aujourd’hui desservie par un tramway ultramoderne. C’était là que se tenait cette marionnette, avec son cigare et son haut-de-forme. Dans ces années d’utopie révolutionnaire, on se représentait ainsi l' » ennemi de classe « . Le patron bougeait dans tous les sens, porté par la foule enthousiaste. Puis il est parti en fumée, sous les vivats.

Les gens étaient joyeux. C’était un mois de festivités culturelles organisées par la mairie communiste, baptisé  » Juin dans la rue « . Le poster de la manifestation représentait une colombe, symbole de paix, prolongée par la tête d’un homme qui tirait la langue. Un graphisme à la Picasso qui évoque celui des affiches de la Fête de L’Humanité.

J’attendais avec impatience ce rendez-vous pour deux raisons : c’était le moment du réabonnement à Pif Gadget (ah, les pois sauteurs du Mexique, les colliers de Rahan et les aventures de Docteur Justice !) ; c’était aussi l’occasion d’arpenter la Cité internationale, où étaient rassemblés les stands des pays frères et les restaurants où nous goûtions leurs délices culinaires. J’avais l’impression de voyager à peu de frais en récoltant des objets divers et variés. J’ai longtemps gardé une casquette de Trybuna Ludu, l’organe officiel du Parti ouvrier unifié polonais. J’ai retrouvé, il y a peu, dans les affaires de mon père décédé, un pin’s de Gorbatchev, tout sourire. C’était avant la chute du mur de Berlin et la désintégration de l’URSS en  1991…

Mais revenons à Juin dans la rue, dont l’édition 1977 est toute particulière : chaque quartier du  Havre a travaillé pendant six mois avec des membres de la troupe d’un chanteur à la mode, Michel Fugain. Barbe, cheveux longs et pantalon  » pattes d’eph « , l’interprète du tube Une belle histoire est en pleine période hippie. Tout chez lui contraste avec le style conventionnel du maire, André Duroméa, surnommé  » Duro « . Cet ancien ouvrier serrurier, figure de la Résistance et ex-déporté, a pourtant accepté l’aventure. Ce n’était pas gagné, se souvient Maryvonne Rioual, 74 ans, qui a occupé pendant vingt-quatre ans les fonctions de première adjointe chargée de l’enfance, de la jeunesse et de la décentralisation culturelle. Surtout qu’il fallait affronter, de l’autre côté, les ricanements des responsables de la maison de la culture devant l’arrivée de ce chanteur à leurs yeux trop commercial.

De ce Juin dans la rue est née Le Chiffon rouge, une chanson composée à cette occasion et reprise par Fugain. Elle deviendra un classique des manifs de gauche en passant par la Lorraine, car là-bas les sidérurgistes en lutte se la sont appropriée à la fin des années 1970 :  » Accroche à ton cœur un morceau de chiffon rouge/Une fleur couleur de sang/Si tu veux vraiment que ça change et que ça bouge/Lève-toi car il est temps «  »  Ça colle à la problématique ouvrière, c’est normal que ça soit récupéré dans les manifs « , juge aujourd’hui Maryvonne Rioual, qui a sa carte au Parti communiste français (PCF) depuis 1963.

Gris, soviétique, stalinien

L’apothéose de ce Juin dans la rue est le spectacle des 700 Havrais sur la scène, place de l’Hôtel-de-Ville. Des milliers de personnes, venues de tous les quartiers, y assistent. Nous sommes en plein cœur de ce centre rasé par les bombardements alliés en septembre  1944 puis reconstruit par Auguste Perret. Un style architectural que je trouve alors gris et soviétique, bref stalinien.  » Ville communiste, ville triste « , moque la droite à cette époque.

 » Duro  » a tranché en faveur de Fugain pour le plus grand bonheur de ses administrés. Quelques années plus tard, il jalousera le succès national du Printemps de Bourges, lancé cette même année 1977, un mois après la conquête en mars de la ville par des camarades communistes.  » Tout le monde parlait du Printemps de Bourges, mais personne de Juin dans la rue. Mais j’ai tenu bon. Je lui disais : c’est un autre concept, c’est la fête des Havrais faite par des Havrais « , m’explique Maryvonne Rioual.

Quand je l’ai appelée, elle se souvenait de mes parents, des compagnons de route qui n’ont jamais pris leur carte du Parti. Mon père venait d’un milieu de la petite bourgeoisie normande, ma mère était la fille d’une vendeuse de billets de loterie et d’un docker. Si bien que je suis petit-fils de docker comme l’ancien maire Edouard Philippe, aujourd’hui premier ministre. Tout le monde appelle Maryvonne Rioual par son prénom, y compris ses anciens adversaires politiques, au premier rang desquels l’ex-maire de droite Antoine Rufenacht. Ce descendant d’une famille de négociants protestants a délogé la gauche de la mairie en  1995 après trois défaites consécutives, avant de passer le relais à Edouard Philippe en octobre  2010.

 » Maryvonne  » habite sur les hauteurs de la ville, dans un quartier populaire, une petite maison à deux étages. La vue est époustouflante : à gauche la zone industrielle, les usines Renault, et près de l’embouchure de la Seine le nouveau port, baptisé  » Port 2000 « , qui reçoit des porte-conteneurs à plusieurs niveaux, déchargés en quelques heures avant de repartir vers le nord de l’Europe ou la Chine ; à droite, la mer, le centre-ville et les quartiers plus bourgeois, également en hauteur, prolongés par la banlieue chic, Sainte-Adresse ( » On y vote à droite depuis le néolithique « , s’amuse son maire, Hubert Dejean de La Batie). On admire surtout cet estuaire de la Seine aux couleurs changeantes avec ses grappes de nuages et ses éclaircies magnifiques, un paysage qui a fasciné des générations de peintres, parmi lesquels les impressionnistes, dont Eugène Boudin, que Camille Corot avait surnommé  » le roi des ciels « . J’aime me planter devant ses toiles au Musée d’art moderne André-Malraux – rebaptisé à la new-yorkaise  » MuMa « .

C’est justement là, dans ce bâtiment situé en bord de mer, non loin du port, qu’André Malraux a inauguré en  1961 la toute première maison de la culture.  » Il n’y a pas une maison comme celle-ci au monde, ni en Russie, ni aux Etats-Unis, ni même au Brésil. Souvenez-vous, Havrais, que l’on dira que c’est ici que tout a commencé « , avait-il lancé. Plus tard, les communistes havrais se sont approprié cette ambition : la culture fut au cœur de leur politique municipale. Avec la maison de la culture du  Havre (MCH) en porte-drapeau. René Cance, prédécesseur de  » Duro  » entre 1965 et 1971, avait engagé ce mouvement. En mai 1968, la MCH se délocalise dans les usines en grève pour soutenir les ouvriers. Le metteur en scène André Benedetto crée dans la foulée une pièce de théâtre, Emballage, nourrie de rencontres avec les employés des grosses entreprises de la ville. Maryvonne Rioual n’a fait que poursuivre  » la trace de – ses – amis « , me dit-elle joliment. Celle d’une culture populaire et de qualité pour tous. Ginet Dislaire, qui travaillait à l’époque à la MCH et a beaucoup œuvré pour le cinéma, se souvient d’une période exaltante :  » C’était de l’utopie totale, de l’utopie pour tous. Un âge d’or où tout était possible. On ne se refusait rien. « 

Comme il en fallait toujours plus, dans les quartiers sont nés de drôles d’endroits, les centres de loisirs et d’échanges culturels, ou CLEC. Ils proposaient les inévitables ateliers macramé et poterie, mais aussi des concerts de chanteurs engagés, tels Colette Magny, Catherine Ribeiro, Francesca Solleville, Leny Escudero, Henri Tachan, Gilles Servat, Marc Ogeret… Je ne les voyais jamais à la télévision.

La victoire en chantant

Un samedi soir, alors que je jouais dans le salon, le poste allumé, et que Mireille Mathieu chantait dans l’émission de Guy Lux, ma mère m’a fait comprendre que ce genre de soupe populaire servait à opprimer les masses. Les chanteurs engagés qu’on appréciait, nous, exprimaient leurs passions. Ils appartenaient à notre monde, différent de celui qu’on voyait dans cette petite lucarne contrôlée par le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing et de Raymond Barre. A travers eux, on vibrait aux luttes d’autrefois, des plus éloignées, comme la Commune, aux plus récentes, la guerre d’Espagne ou la résistance au nazisme. On vivait la victoire (à venir) en chantant.

Je me souviens aussi d’une soirée de soutien à Angela Davis, la militante noire communiste. J’avais retenu qu’elle avait été accusée d’avoir caché dans sa chevelure afro un pistolet. L’image a suscité une réelle perplexité chez moi, sans que j’ose le dire à mes parents. Comment une arme pouvait-elle tenir ainsi ? Dans notre CLEC, un groupe de comiques était également passé, les Dupont et Pondu. Me sont restés en mémoire une chanson, Mangez des radis, et son refrain :  » Il faut manger, manger, manger des radis, avant que ce ne soit les radis qui nous mangent « … L’absurde aussi était au menu de ces années 1970. Et à chaque concert nous repartions avec un disque dédicacé.

Les CLEC étaient gérés par les habitants. Mes parents militaient dans celui du quartier populaire d’Aplemont. Nous habitions une drôle de maison, un chalet de bois offert par la Suède, après la guerre, au  Havre dévasté. Elle était située rue de l’Abbaye, laquelle fut rebaptisée rue Pablo-Neruda, prolongée par une rue Salvador-Allende – les deux figures d’une utopie écrasée dans le sang au Chili, celle du gouvernement d’unité populaire. Les Quilapayun, groupe de chanteurs désignés ambassadeurs culturels par le président socialiste Salvador Allende, se trouvaient d’ailleurs dans la ville au moment du coup d’Etat de Pinochet en 1973.«  Il y avait une tension terrible, parce qu’ils essayaient de téléphoner à leur famille. Le concert était d’une émotion rare « , se souvient Maryvonne Rioual. Nous les avons écoutés chanter El pueblo unido jamas sera vencido et sommes repartis avec le disque dédicacé.

On avait aussi notre Jean-Luc Godard local en la personne de Christian Zarifian. J’apparais quelques secondes dans un de ses films, Moi j’dis que c’est bien, une œuvre collective née de l’après-68. Je l’ai longtemps cru totalement indigeste, tellement il se revendiquait d’avant-garde. J’ai mis la main sur le DVD au Studio, une salle de cinéma Art & Essai que Zarifian a ouverte avant de disparaître en  2011. C’est un long-métrage beaucoup plus drôle que je ne le pensais, un film choral plein d’humour : des jeunes du CLEC d’Aplemont, jouant leur propre rôle, se posent la question du bonheur, s’interrogent sur la consommation et l’argent, avant, finalement, de braquer une banque, le CAC, le  » Crédit agricole et culturel « . Mon père y joue le rôle du banquier – il est le seul à porter un costume-cravate, son uniforme de tous les jours. Ma mère tient le rôle d’une employée.

J’ai retrouvé un de ces acteurs amateurs, Didier Bion. Après une vie professionnelle consacrée au transport maritime et un passage par la Grande-Bretagne, les malices de la vie font qu’il réalise, lui aussi, des films indépendants. Quelques semaines avant mon passage, il a d’ailleurs projeté sa première réalisation, La Femme qui voulait être heureuse, en avant-première au Studio. En  1973, lors du tournage de Moi j’dis que c’est bien, il avait 19 ans. Il parle d’un  » esprit Zarif « , de cette manière qu’avait le réalisateur de travailler avec des jeunes, des acteurs non professionnels.  » Tourner en noir et blanc, caméra à l’épaule, en mode guérilla « , se souvient-il.

Les voies de la révolution

Guérilla, le mot est bien choisi. Ils rêvaient d’insurrection, leur obsession était la clandestinité, ils raffolaient des pseudonymes. Tout cela s’est logiquement terminé en occupation du CLEC par les maos. Maryvonne l’a fait fermer, le temps de venir à bout des rebelles.  » Je venais à peine d’arriver à la mairie, voilà les maos qui débarquent, j’ai terminé au lit avec une tension basse. «  Zarifian, qui a animé l’unité cinéma de la maison de la culture jusqu’au début des années 1980, s’est engagé par la suite dans une démarche plus artistique. Il a réalisé, en  1988, Table rase, un très beau film sur la destruction du  Havre par les bombardements alliés que les habitants de la ville ont unanimement salué.

Mais tout le monde ne partageait pas ces utopies révolutionnaires. J’étais bien placé pour le savoir, car mes parents, paradoxalement, m’avaient inscrit, avec mon frère jumeau, dans un des établissements catholiques les plus connus de la ville : l’institution Saint-Joseph, fondée au XIXe  siècle et située sur les hauteurs,  » Saint-Jo  » dans le langage local. J’y suis resté de la sixième à la terminale. Pourquoi m’ont-ils mis là ? Je ne l’ai jamais su. Les voies de la révolution sont parfois impénétrables. Je sais, en revanche, que les bonnes familles de la ville et de Sainte-Adresse y plaçaient leurs enfants.

On n’y entendait pas l’accent populaire de la ville basse, celui de ma famille maternelle, cette sonorité particulière qui est un mélange de douceur et de fermeté, langoureuse sur les voyelles, fermée sur les consonnes : les  » oh dès  » qui ponctuent les phrases ; ou les  » c’est rien bien  » qui signifient le contraire ( » c’est très bien « ). A Saint-Jo, on était chez les  » bleus « , en territoire de droite. Ma meilleure amie, Rozenn Quédinel, se souvient avoir commencé à répéter avec son club de danse pour le fameux Juin dans la rue de 1977. Mais quand son père l’a su, il lui a formellement interdit d’y participer.  » Il ne m’a pas donné d’explications, c’était comme ça « , me dit-elle, avec un sourire, au bord de la plage de galets.

Deux mondes s’affrontaient, donc, celui des  » rouges  » et celui des  » bleus « . Moi je vivais écartelé entre les deux… En  1981, lorsque François Mitterrand a gagné la présidentielle, mes parents ont débouché le champagne le dimanche soir et on s’est moqués de la mine défaite d’Elkabbach. J’ai même eu le droit le lendemain à une grasse matinée. Tant pis pour l’école, n’était-on pas passé  » de la nuit à la lumière « , comme l’avait dit Jack Lang ? Mais, dans mon collège, cela ne pétillait pas, les mines étaient piteuses. Les chars russes étaient à nos portes, susurrait-on. Par la suite, chaque 10  mai, des élèves ont porté le deuil : chaussettes noires dans leurs mocassins à glands…

Le  Havre que j’ai connu jusqu’à mon départ à Paris après le bac, en  1985, était ainsi divisé socialement, clivé dirait-on aujourd’hui.  » C’est une ville de caractère où les contrastes sociaux sont forts, le sentiment d’appartenance à une classe sociale profond « , juge Pierre Thorez, fils de Maurice, le dirigeant historique du PCF. De son appartement dans une HLM du quartier des Gobelins, non loin du centre, il a une vue magnifique sur l’estuaire et les bateaux. Venu d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), un autre bastion communiste, en 1972, il n’est jamais reparti du Havre, où il a enseigné à l’université. Il a été un des piliers de l’association France-URSS : mes parents m’avaient emmené à une de ses conférences sur l’agriculture du coton en Union soviétique. A 70 ans, il continue à s’intéresser à la Russie.

Deux identités s’affrontent dans la ville, selon lui : celle, portuaire et industrielle, des ouvriers et des dockers, celle, maritime et négociante, des bourgeois. Les premiers achetaient Le  Havre libre, au titre imprimé en rouge, les seconds  Le  Havre Presse, en bleu. Rachetés par Robert Hersant, les deux journaux ont fusionné : les pages intérieures étaient strictement les mêmes, seule la  » une  » changeait, gardant sa couleur et son lectorat différents. Les apparences étaient sauves.

Le  Havre est aussi une ville blessée : par les bombardements qui l’ont rasée en grande partie – 2 000 habitants tués –, par le chômage, avec une désindustrialisation progressive, et aussi par la fin des paquebots et l’arrêt en  1974 de la ligne transatlantique qui la reliait aux Etats-Unis. Le France, dernier navire mythique, inauguré en  1962, avait fini sa carrière dans un coin du port, vite surnommé le  » Quai de l’oubli « . La France entrait dans l’ère de l’avion. Fini les voyages Le  Havre-New York, après cent dix ans d’existence et les millions de migrants embarqués vers les Amériques.

La fin du France en particulier a été un traumatisme. Les Havrais allaient le visiter le dimanche avant qu’il ne soit vendu à la fin des années 1970. Michel Sardou en a fait un symbole, celui de la fin des  » trente glorieuses  » :  » Ne m’appelez plus jamais France, la France elle m’a laissé tomber/Ne m’appelez plus jamais France, c’est ma dernière volonté « , a-t-il chanté, se gagnant les faveurs des dockers.  » Il n’est pas rare de voir des gens pleurer devant des photos ou des maquettes du France « , constate Dorian Dallongeville, directeur du patrimoine de French Lines, une association dépositaire du patrimoine des deux anciennes compagnies maritimes françaises, la Transat et les Messageries maritimes.

Mais, depuis mon départ sans billet de retour, la ville a changé. La droite est aux manettes depuis 1995. Antoine Rufenacht a su profiter du délitement d’un système et d’une gauche qui s’est entre-déchirée.  » Les communistes étaient là depuis trente ans, c’est long, trente ans. Ils étaient usés, fatigués. Je suis arrivé à un moment où le système était à bout de souffle « , dit M.  Rufenacht, qui a passé le relais à Edouard Philippe en  2010. Il me reçoit dans son bureau du centre-ville, où sont accrochés au mur les portraits de ses ancêtres, des négociants protestants, une carte ancienne de la ville et un très beau tableau de marine.

Le béton, si tendance

Après sa victoire, il a habilement repris à son compte des projets lancés par la municipalité précédente, comme le réaménagement de la plage, et a bénéficié du soutien du président Jacques Chirac pour lancer des projets d’importance, comme Port 2000. Un tramway relie maintenant les quartiers les moins riches au bord de mer plus aisé. Une université a été fondée, Sciences Po a ouvert son campus Asie et, surtout, le béton d’Auguste Perret est devenu tendance.  » Le point de basculement, c’est le classement au Patrimoine mondial de l’Unesco en  2005 « , affirme Stéphanie Camus. Elle a ouvert il y a trois ans un magasin d’objets design inspirés par l’identité graphique havraise. Elle appartient à la  » génération LH  » (à prononcer à l’anglaise), qui revendique la fierté locale. Elle n’hésite pas à lancer :  » J’ai l’impression qu’on est la ville la plus positive de France. «  Certes, reconnaît-elle,  » on part de bas « . La ville est plombée par un taux de chômage de plus de 12  % et elle perd chaque année des habitants.

Les  » rouges  » font entendre leur voix de temps à autre : en  2016, le  Havre a été en pointe dans la mobilisation contre la loi travail et le port a été bloqué. Au premier tour de la présidentielle, les quartiers populaires se sont réveillés, plébiscitant le candidat de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Il est arrivé en tête sur l’ensemble de la ville avec près de 30  %, devant Emmanuel Macron (plus de 21  %) et Marine Le Pen (plus de 20  %).

Il n’en reste pas moins qu’on sent poindre, à de nombreux détails, une fierté havraise qui, je l’avoue, me surprend. Les paquebots de croisière sont de retour ; la maison de la culture de l’architecte brésilien communiste Oscar Niemeyer n’est plus surnommée le  » pot de yaourt « , comme dans les années 1980 après son inauguration, mais le  » volcan  » ; en  2011, le réalisateur finlandais Aki Kaurismaki est venu filmer Le  Havre, dans lequel il fait jouer une institution de la ville, le rocker Little Bob :  » Il m’a fait monter les marches de Cannes, bordel ! A un Havrais ! « , s’écrie le chanteur dans son havre de paix, une petite maison avec jardin dans le quartier de L’Eure, l’ex-bastion des dockers. Pas de doute, la ville est à la mode. Elle célèbre, avec faste, ses 500 ans. Elle ne boude pas son plaisir d’avoir enfin un premier ministre. S’est-elle pour autant normalisée ? Difficile à dire, mais force est de constater qu’il n’y a plus qu’un seul journal : Paris Normandie Le  Havre. Sur sa  » une « , le bleu et le rouge cohabitent désormais.

François Bougon

© Le Monde

 

   

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