Le goût des autres d’Agnès Jaoui et de Pierre Bacri

En hommage à Pierre Bacri, récemment disparu. Les chemins de la philosophie sur France Culture.

https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/les-chemins-de-la-philosophie-emission-du-mardi-09-mars-2021

C’est l’histoire des goûts des uns et des couleurs des autres.
On connaît la chanson, comme on le rappelait hier, est la phrase de celui qui signifie qu’il sait déjà, qu’il n’apprend rien de nouveau, et qui en connaît plus que l’autre.
Comme pour les goûts et les couleurs : on pense toujours avoir meilleur goût que son voisin. C’est l’histoire de personnages et de milieux qui n’auraient pas dû se rencontrer, car on ne bouscule pas les cadres de références et les barrières culturelles sans faire d’histoires.
Et voici donc cette histoire telle qu’elle est racontée dans Le goût des autres, le film d’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri.

Invité : Guillaume le Blanc est philosophe et professeur de philosophie à l’université Paris Est Créteil où il est titulaire de la chaire de « philosophie pratique » après avoir été professeur de philosophie à l’université Bordeaux-Montaigne jusqu’en 2015. Son travail porte essentiellement sur la question de la « critique sociale ». Il étudie plus spécifiquement les limites complexes qui distinguent précarité, exclusion, vie décente et normalité.
Il explore la créativité des vies ordinaires comme réinvention des normes.

En 1979, Bourdieu montrait que les goûts et dégoûts de chacun expriment une position dans le monde social. Mais peut-on évoluer ? Comment rencontrer quelqu’un qui ne nous ressemble pas ? « Le goût des autres » est-il un apprentissage du déclassement pour venir à l’autre au-delà de tout déterminisme ?

“ Pour distinguer si une chose est belle ou ne l’est pas, nous n’en rapportons pas la représentation à son objet au moyen de l’entendement et en vue d’une connaissance, mais au sujet et au sentiment de plaisir ou de déplaisir. (…) Le jugement de goût (…) est donc esthétique. ”
Ainsi commence la Critique du jugement dans laquelle Kant se livre à une “ critique du goût ” pour arriver à une définition du beau comme une “ finalité sans fin ”.
D’après lui, quand nous disons c’est beau, nous ne voulons pas dire simplement c’est agréable, nous prétendons à une certaine objectivité, à une certaine nécessité, à une universalité.
En faisant de La Distinction une critique sociale du jugement, Pierre Bourdieu bouleverse d’emblée des catégories sur le Beau, l’art et la culture, qui n’avaient jamais été remises en question. Non seulement le beau n’est pas un concept a priori, mais, au contraire, “ les gens ont le goût de leur diplôme ” et, les catégories de la distinction dépendent de la position que l’on a dans le tableau des classes sociales. Ainsi, selon que l’on a fait des études supérieures ou que l’on a passé le B.E.P.C., que l’on est issu de la bourgeoisie ou d’une classe populaire on aime le Clavecin bien tempéré, la Rhapsodie in blue ou le Beau Danube bleu.
Mais, dit Bourdieu, à l’intérieur de la classe dominante, le capital économique ne correspond pas toujours au capital culturel et un tableau montre comment, dans la classe dominante, selon que l’on a un niveau inférieur au baccalauréat ou que l’on a passé une agrégation, on achète plus facilement ses meubles chez un antiquaire qu’aux Puces ou dans un magasin spécialisé.
En s’interrogeant donc sur les causes des préférences esthétiques, Pierre Bourdieu étudie ce qui les détermine, c’est-à-dire d’une part “ le capital culturel ” autrement dit le niveau d’instruction, et, d’autre part, “ le capital économique ”, soit la situation sociale. Et, en analysant ensuite les transformations du rapport entre les différentes classes sociales et le système d’enseignement, il distingue, à l’intérieur de chaque classe, des principes généraux de conduite que l’on retrouve dans chaque domaine et qui permettent d’établir un “ système ” des styles de vie.
Ainsi, de la même façon que l’on aime tel peintre, on a telle attitude politique et, selon que l’on a fait telles études, on pratique tel sport, on consomme tels aliments et l’on s’habille de telle façon.
En fait, quand on parle de culture, on parle, sans le savoir, de classe sociale, et la politique ne fait pas exception aux lois de la culture et du goût.
Au terme de cet ouvrage, on constate que la critique de la culture, et les usages que l’on en fait comme moyen de domination, font de La Distinction un document d’un intérêt tout à fait nouveau : non seulement pour la sociologie – au niveau de la précision de l’enquête (chaque questionnaire comporte une question par domaine : musique, peinture, vêtements, etc.), mais, également, au niveau politique, où l’on s’aperçoit, au travers des schémas et de l’unification toutes les questions, qu’il s’agit, pour la première fois, de donner plusieurs chances de comprendre la même chose : la cohérence de la conduite de chaque classe et l’usage qu’en font, consciemment ou pas, les partis politiques.

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