« L’histoire, au sens scientifique du terme, n’est pas un procès. Elle ne relève pas non plus de la politique, de l’esthétique ou de la morale, mais des sciences sociales. »

Ces livres :
Ecrits historiques de combat (Perrin) de Jean Sévillia, rédacteur en chef adjoint du Figaro Magazine,
La Désintégration française. Pourquoi notre pays renie son histoire et nos enfants perdent leurs repères, de Dimitri Casali (JC Lattès), ancien professeur d’histoire-géographie, et La Compagnie des ombres. A quoi sert l’histoire, de Michel De Jaeghere (Les Belles Lettres), directeur de la rédaction du ­Figaro Histoire, 

rappellent que différents styles historiographiques anciens – l’exemplification morale, le divertissement esthétique, l’instrumentalisation politique – continuent à être en usage, parallèlement aux pratiques de l’histoire scientifique telle qu’elle s’est définie entre la fin du XIXe siècle et les années 1930.

Malgré cette diversité stylistique, les auteurs en question ont un point commun. Leur histoire est événementielle, jalonnée de grands hommes et de moments forts qui sont autant de terrains d’affrontement avec ceux des historiens de gauche qui partagent leur focalisation pour le politique et sa mémoire. Les croisades, les rois, l’Empire, la Résistance, la guerre d’Algérie sont les passages obligés d’un récit dont la logique a deux ressorts.

Le goût épique, tout d’abord, manifestant la fonction imaginaire d’une histoire qui s’adresse plus à l’âme qu’à la raison. Utiliser Saint Louis et Napoléon à cette fin n’est finalement pas très différent de lire l’Iliade ou Le Seigneur des anneaux.

La passion du jugement de valeur, ensuite, qu’on retrouve également chez certains historiens qu’ils combattent. C’est le même « Tribunal de l’Histoire » qui condamne la monarchie ou la Révolution, la colonisation ou la Commune : seuls les juges changent.

Or, l’histoire, au sens scientifique du terme, n’est pas un procès. Elle ne relève pas non plus de la politique, de l’esthétique ou de la morale, mais des sciences sociales. Elle se caractérise par des méthodes et des procédures appliquées à des sources, par des hypothèses, des interprétations et leur discussion dans une communauté et des institutions savantes, enfin, surtout, par un horizon : comprendre et expliquer les sociétés humaines dans le temps et l’espace, à travers des travaux érudits, mais aussi des livres, des magazines, des expositions et des émissions destinées au grand public.

Cette histoire n’est pas partisane, ne donne pas de leçons et, pourtant, n’est pas neutre. Elle représente un point de vue, celui de la science, et accomplit une tâche liée au projet démocratique, celle d’essayer d’élucider le monde. Même si elle n’est pas étanche à la société qui l’entoure, à ses conflits et à ses valeurs, son projet intellectuel vise du moins à tenter de les mettre à distance pour construire un savoir autonome.

Cette ambition scientifique, qui n’est pas toujours mise en œuvre au sein même de l’Université, mais à laquelle des historiens amateurs, des enseignants ou des lecteurs peuvent apporter leur pierre, est très différente de celle qui anime les auteurs de ces livres.(…)

Nombreux sont ceux qui rêvent d’une école dispensant un catéchisme républicain ou national, au lieu d’une initiation aux sciences de l’homme et de la société.(…)

Pour le chercheur comme pour l’élève, l’histoire doit être un problème intellectuel stimulant, non une solution rassurante pour distinguer le bien du mal. Raoul Girardet, Pierre Chaunu ou Philippe Ariès, de vrais hommes de droite et de vrais historiens, l’avaient compris, aussi bien que Jean-Pierre Vernant, Jacques Le Goff ou Marc Bloch.

Les Rendez-vous de l’histoire de Blois

Lire aussi :   Rendez-vous de l’histoire : que signifie « partir »?

  • Etienne Anheim (Historien (EHESS) et collaborateur du « Monde des livres »)

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/livres/article/2016/09/28/face-a-l-histoire-identitaire_5005003_3260.html#5LyYysLVEyvsMC9k.99

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