1- Duex la horde
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Une mécanique du rêve

 

Les 16 et 17 mai, la Manicle/Satellite Brindeau proposait son Festival WhOOpee, dédié cette année à la performance artistique. Le thème consacré était la matière, dont la plus représentée était la chair. Le corps statufié, enserré, décoré, entre air et eau, magnifié, malmené, pelé, plastifié, savonné, nourri. Nu, dénudé et émouvant parce que dépourvu de son armure, de sa protection contre les obstacles et les regards, exprimant alors un rappel constant de notre fragilité. Parmi d’autres performances, j’ai retenu : « DUEX la horde ».

Ce que j’ai vu : un plateau sombre, deux tabourets. Au fond, côté cour, une chaise, une robe blanche d’organdi et de tulle déployée sur la chaise. La silhouette charnue d’un homme portant perruque, assis, immobile. A l’avant de la scène, côté jardin, un gramophone posé à terre.

Deux personnages entraient court-vêtus de noir, ils marchaient en levant très haut les genoux et portaient chacun deux seaux d’eau qu’ils posaient à terre de part et d’autre des tabourets où ils s’asseyaient, côte à côte. Les choses alors se précipitaient : la silhouette nue et rebondie de l’homme s’animait et s’élançait à travers la scène pour aller s’agenouiller devant le gramophone dont il tournait fébrilement la manivelle. Puis il retournait en courant vers sa chaise pour revêtir avec maladresse la robe de mariée vaporeuse et récalcitrante, alors que résonnait la voix nasillante et lointaine d’un chanteur depuis longtemps disparu. Deux autres personnages voilés de noir, arrivaient et commençaient à shampouiner ceux qui étaient assis sur les tabourets. Pendant que l’homme-fiancée se débattait avec la robe et avait réussi plus ou moins à s’en vêtir, le disque était arrivé à son dernier sillon et la chanson d’amour s’interrompait. L’homme-fiancée enlevait précipitamment la robe et à nouveau nu, retournait dans l’urgence vers le gramophone, actionner la manivelle. Puis il courait encore vers la chaise remettre robe, couronne nuptiale et escarpins. Ce va-et-vient se produisait plusieurs fois, pendant que se déchaînaient les shampouineurs, sans égard pour les deux personnages assis, dont les yeux, le nez, les joues, se recouvraient de mousse savonneuse, et dont on ne voyait plus du visage que la bouche entr’ouverte…

Raconter cela c’est comme raconter un rêve, cela n’a apparemment aucun sens. Et pourtant dirions-nous que nos rêves n’ont pas de sens ? S’ils nous poursuivent, si nous avons quelquefois besoin de les raconter, si nous sommes désolés parfois qu’ils s’effacent et qu’ils perdent de leur force évocatrice, dirons-nous qu’ils ne veulent rien dire ? C’est au rêveur de relier ce qui lui reste en mémoire d’images éparses et indicernables.

Ce que j’ai vu : les images du désir naïf de bonheur ( l’homme-femme-fiancée occupé à se couvrir et s’entourer de simulacres, de symboles dérisoires de l’amour, sorte de Marilyn grotesque et attendrissante ), la représentation de l’humiliation ( les deux personnages maltraités :  » Dop, dop, dop, allez donc vous faire laver la tête ! « ) et la figuration de l’échec annoncé, dès l’entrée des premiers personnages, juste en observant leur façon d’avancer en levant les genoux bien haut : « démarches ridicules ».

Ce contenu hétéroclite était une somme d’instants, dans un temps raccourci, représentation hybride entre nos possibles réminiscences et ce que les performeurs avaient voulu y mettre sans rien nous en dire. Une histoire sans parole et sans histoire, burlesque et tragique.

Catherine Désormière

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