Trois voyages, trois auteurs, trois illustrateurs…

 

C’est en visitant l’exposition A l’aventure, à la bibliothèque Armand Salacrou, consacrée à Edouard Riou, illustrateur des romans de Jules Verne, que j’ai remarqué cette image : un grand ciel au-dessus d’une montagne escarpée, aux arêtes abruptes, dépourvue de végétation, hérissée d’un pic rocheux. Et dans ce ciel, au premier plan, un condor aux ailes déployées sur toute la largeur de la page. Il agrippe dans ses serres le corps d’un personnage qui semble évanoui.
Immédiatement ceci m’a rappelé une autre illustration, celle d’un album de mon enfance : Sindbad le marin, où, apparaît un oiseau fabuleux transportant  le corps d’un homme.
Le croirez-vous, je me suis souvenue d’un autre livre de mon enfance : Les voyages de Gulliver , où – autre illustration – un aigle gigantesque emporte dans les airs, une boîte dans laquelle est enfermé Gulliver…

Coïncidence d’’épisodes semblables dans trois récits différents ? De choix d’illustration de trois illustrateurs, qui aboutissent presque simultanément à des images similaires ? Oui et non. Les imaginaires, à chaque époque, ont tendance à se ressembler et à produire les mêmes aspirations, les mêmes rêves, les mêmes peurs.

Le premier dessin est signé Edouard Riou, paru en 1868, dans l’édition du roman de Jules Verne : Les enfants du capitaine Grant. Dans cette histoire qui commence en 1864, Lord et Lady Glenarvan, alors qu’ils naviguent au large de Glasgow dans leur yacht, recueillent une bouteille jetée à la mer dans laquelle un certain capitaine Grant a déposé un S.O.S. Le couple décide d’organiser une expédition pour lui porter secours. Les enfants du capitaine Grant, Mary et Robert font partie du voyage .

L’épisode du condor se situe, dans le récit, alors que l’expédition arrivée dans la Cordillère des Andes, subit un tremblement de terre.  Quand les éléments se calment, Robert qui a douze ans est introuvable. Après de longues recherches sans résultat, la mort dans l’âme, l’équipage doit repartir sans l’enfant. Cependant, l’un d’entre eux aperçoit un point dans le ciel qui se révèle être un condor. Il attire l’attention de ses compagnons :

« Un cri d’horreur se fit entendre. Aux serres du condor un corps inanimé apparaissait suspendu et balloté, celui de Robert Grant. L’oiseau l’enlevait par ses vêtements et se balançait dans les airs à moins de cent cinquante pieds au-dessus du campement.  »

La deuxième illustration, signée cette fois par Alcide Robaudi, en 1928, apparaît dans Sindbad le marin, récit dont l’origine est incertaine. Traduit de manuscrits persans au début du 18eme siècle, son auteur est inconnu et aurait vécu au 9eme siècle. A moins que les sept voyages de Sindbad ne soient l’œuvre de plusieurs auteurs…

C’est au cours de son deuxième voyage que Sindbad se trouve en difficulté alors qu’il est parti pour négocier des marchandises à travers les îles. Après avoir abordé dans l’une d’elle, il se repose avec ses compagnons près du rivage dans une prairie accueillante. A la suite d’un bon repas puisé dans ses provisions, Sindbad s’endort. A son réveil ses compagnons ont disparu. Dans cet épisode, Sindbad se cache dans le nid d’un oiseau géant. Profitant que l’animal fabuleux couve son œuf, Sindbad s’attache à lui, espérant qu’il l’emportera loin de l’île déserte dont il est prisonnier.
« Effectivement, après avoir passé la nuit en cet état, dès qu’il fut jour, l’oiseau s’envola et m’enleva si haut que je ne voyais plus la terre ; puis il descendit tout à coup avec tant de rapidité que je ne me sentais pas. »

Le troisième oiseau apparaît dans Les voyages de Gulliver, de Jonathan Swift, illustré par Albert Robida en 1904. Comme Sindbad, Gulliver fait plusieurs voyages. Dans le deuxième, Gulliver embarque en tant que chirurgien de bord sur un navire nommé L’aventure. Il part en 1702 de Liverpool vers Surate en Inde. Au cours de la traversée, de forts vents s’élèvent, suivis d’une terrible tempête. Le voilier dérive jusqu’à une terre inconnue. Après avoir jeté l’ancre, un petit groupe de l’équipage, dont Gulliver, met une chaloupe à l’eau et aborde le rivage. Alors qu’il explore seul le paysage, Gulliver voit que ses compagnons retournent en courant vers la chaloupe et reprennent la mer au plus vite… Je ne raconterai pas ici toutes les péripéties qui s’ensuivent. Sachons simplement que le héros est arrivé dans un pays peuplé de géants, et que lui-même y fait figure de miniature. Il rencontre les habitants qui l’accueillent avec amitié et curiosité. Le roi et sa cour en font leur favori. Au cours d’une excursion, on l’emmène installé dans une boîte confortable, aménagée spécialement pour lui, qui ressemble au panier d’un chat. Et c’est pendant une promenade au-dessus des falaises, qu’un page chargé d’en prendre soin, pose la boîte pour aller chercher des œufs nichés entre les roches.

« Quoi qu’il en soit, je me trouvai soudainement éveillé par une secousse violente donnée à ma boîte que je sentis tirée en haut, et ensuite portée en avant avec une vitesse prodigieuse (…) J’entendais un bruit horrible au-dessus de ma tête, ressemblant à celui d’un battement d’ailes. »

Ainsi :
Nous avons trois oiseaux : un condor et deux aigles . Ce qui les réunit ? Le ciel.
Nous avons trois histoires : Les enfants du capitaine Grant, Sindbad le marin, Les voyages de Gulliver. Ce qui les réunit ?  le voyage.
Nous avons trois auteurs : Jules Verne, un anonyme, Jonathan Swift, ce qui les réunit ?  les récits d’aventure.
Et ce qui les réunit tous, oiseaux, histoires, auteurs : c’est le livre illustré.

A suivre…
Je vous donne rendez-vous, ici, dans 15 jours pour vous parler des illustrations, des illustrateurs, et aussi des merveilles d’un 19eme siècle foisonnant d’imaginaires.

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