LA LOCATION
On a loué – ô bonheur ! – une maison pour les vacances. Certes on ne l’imagine pas avec précision cette chère location, malgré les indications du propriétaire ou de l’agence spécialisée. On la soupçonne seulement, parfaite et idéale, comme une douce impression de déjà vu. Et on s’y voit vivre, ouvrant de larges fenêtres donnant sur la mer, déjeunant le matin dans le jardin, prenant l’apéritif sur une terrasse ensoleillée, ou somnolant à l’ombre d’un pin parasol, heureux comme des catalogues.
Et puis l’on arrive un beau soir, harassés après les épreuves de l’autoroute, et les banquettes de la voiture submergées par une avalanche de paquets. Alors, on le découvre enfin ce paradis et cela ne lui ressemble pas, au paradis, vous aviez compris. Tout y paraît, comme ces lieux d’enfance revisités bien des années après, minuscule. Sombre aussi. Et sans âme. Aucun souvenir n’imprègne les lieux ni le mobilier hétéroclite et vieillot, trop évidemment rassemblé pour meubler un peu. Ici et là, on a placé, pauvres décorations, des bibelots de vide-grenier : une faïence de Quimper, un bateau mis en bouteille, des pêcheurs de goémon sur une assiette en bois sculpté, quelque vue de la Pointe du Raz, du Mont-Saint-Michel, dans des sous-verre entourés de papier gommé.
Sur les étagères d’un buffet sans style et sans âge, soigneusement recouvertes de papier gaufré, on a rangé une vaisselle d’Arcopal et, sur une modeste table où tiendront à peine nos couverts, posé une toile qui fut cirée. Et s’entassent près de l’entrée, enfin sortis du coffre de la voiture, toutes ces valises, les affaires à disposer dans des placards étroits, si peu de penderies. Tant de travail nous attend. Et nul autre projet que de s’installer. On se sent vide et épuisé.
Plus tard pourtant, après l’interminable rangement, des cris, des énervements, on partira à la découverte des environs. D’abord, le chemin qui mène aux plages puis le trajet des courses. On repérera, rassurés, la supérette, le bar-tabac, le marchand de journaux, la cabine téléphonique et même les lavomatiques. Des lieux où, on le sent, se créeront le temps de la location de tranquilles habitudes, et que l’on sera bien tristes, tiens tout compte fait, un beau jour de quitter.
Yoland SIMON in Fichue Météo