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Silence, on accuse ! La Panne, « Les Eparpillés »

Silence, on accuse !

La Panne, par la Compagnie Les Eparpillés, au Chien qui fume.

19 juillet 2015

Nous allons au festival d’Avignon comme à une fête : nous entrons dans un lieu qui est un vaste théâtre, complices d’autres spectateurs curieux et actifs. D’une salle à l’autre, nous avons vu La Panne de Friedrich Dürrenmatt, roman écrit en 1955, mis en scène par Fabien Buzenet.

Sur le plateau, un duo composé d’un comédien et d’une violoncelliste.

L’histoire nous est racontée par un seul comédien jouant cinq personnages. Pour moi le pari est risqué. L’incarnation de figures différentes, la transformation instantanée, la capacité à une certaine magie… tout ceci me semble improbable, d’autant que l’acteur est aussi le narrateur.

Dans La Panne, des magistrats retraités accueillent pour un dîner ponctué de bons vins, et un faux procès monté par un tribunal rituel, un jeune représentant de commerce monté en grade, Traps, insouciant, rieur, amusé par ce divertissement, « juger un hôte dont on aura d’abord découvert la culpabilité »… Nous assistons à une représentation dans la représentation : cette mise en abyme souligne l’équivoque du jeu. Est-ce vraiment un jeu ? Les pitreries d’Olivier Broda caricaturent ces vieillards au début de la pièce. Quand il endosse ses divers rôles, qu’il change de mimique à vue pour nous les présenter, personnages grotesques, rien n’est gagné ! Peu à peu, il est vrai, l’univers du roman s’installe, le comédien jubile de passer d’un personnage à un autre, sa virtuosité est certaine.

L’instrumentiste Dominique Brunier présente sur scène est une actrice à part entière, elle dialogue avec le comédien, le suit, le ponctue, le renforce avec pertinence. Plus encore, le violoncelle emplit l’espace austère de notes somptueuses.

En fait, le spectateur pourvoit à la sobriété du décor – une table, un chandelier, un porte-manteau – et à l’économie de moyens. Les images des protagonistes et de l’action naissent au fur et à mesure grâce au texte conté sans failles.

La farce est noire, le jeu tourne à la tragédie. Des grimaces démoniaques métamorphosent les trognes. Les anciens magistrats vont – ils aller au bout de leur réquisitoire ? La double lecture des moments de la vie de Traps, en particulier des circonstances de sa promotion, nous interroge. Aucune échappatoire pour ce faux accusé (ou ce faux innocent ?) dans cet interrogatoire. Sa prise de conscience du rôle criminel qu’il a joué est-elle justifiée ? Traps est-il une marionnette manipulée par un procureur habile ? Est-il vraiment coupable ? Parle-t-on de justice ? De conscience ? De l’humanité ?

La bouffonnerie s’achève par la mort, tant il est vrai que Dürrenmatt dénonce dans son oeuvre l’indifférence et l’inconscience de ses contemporains. « Nous ne vivons plus sous la crainte d’un Dieu, d’une justice immanente, d’un Fatum… » En revanche, le théâtre, lui, peut nous dévoiler les abîmes de l’être humain.

Isabelle Royer

Annette Maignan

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