Ron Amir, Exposition

Les magazines de décoration montrent un certain idéal, chic et opulent du chez-soi, home sweet home… Manifestation extrême d’un désir de s’entourer d’objets, de remplir un intérieur, pour s’y lover, peut-être s’y réconforter.  Se protéger des intempéries, des menaces, puis des autres pour s’en distinguer. Etre soi, dans sa grotte. Mais au-delà des illustrations de papier glacé et de leurs commentaires, dans nos existences ordinaires il reste qu’avoir un toit, un intérieur, est l’une des conditions pour vivre sans survivre. C’est là que naît le désir de se poser, se reposer, vivre sa vie, l’organiser dans un espace, un lieu, dont la clé nous appartient. Et puis, arrive ce moment où, de simple abri, ce refuge devient le contenant du besoin de nous entourer de quelques accessoires sans lesquels nous ne serions qu’au creux d’un antre.

10min CHRONIQUE par Catherine Désormière

Ron Amir est un photographe né en Israël en 1973. Il a commencé sa carrière au tout début des années 2000.
Entre septembre et décembre 2018, son exposition :   Quelque part dans le désert, a été présentée au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris.
Pendant trois ans, Ron Amir est allé rencontrer des migrants soudanais et érythréens qui étaient réfugiés dans le camp de rétention de Holot, dans le désert de Néguev au sud d’Israël. Ces demandeurs d’asile, y sont restés entre trois mois et un an. Des hommes démunis, dans l’attente, dans le désert.
Les 30 photos en couleurs qui composent l’exposition ne sont pas des documents, ce ne sont pas, non plus, des portraits, ni des paysages.

Ce que l’on y voit, ce sont les traces du désir des hommes à avoir des attaches dans le monde où ils ont été jetés. Eux-mêmes n’apparaissent pas. On y voit les marques esquissées de ce que pourraient être des vies ordinaires. C’est à dire la tentative de recréer les lieux habituels d’une maison ou d’un village, qu’ils ont fabriqués à partir d’objets de récupération, à la surface d’un vaste terrain aride, de sable et de pierres, où quelques arbres et des buissons, çà et là, offrent quelques repères à des existences errantes.
Ce que l’on voit est la recomposition d’univers intimes :
Le banc de Hamed Alnnil, une longue planche posée sur trois grosses pierres.
Le lit d’Aboud : un arrangement de feuillages séchés posé en hauteur grâce à quatre piquets faits de branches, recouvert d’une couverture, d’un coussin et d’un petit tapis.
La mosquée : juste une surface délimitée par des cailloux disposés en une sorte de chaîne.
La cuisine de Khamis : quelques panneaux de bois, encore des cailloux, le reste calciné de feux entre deux pierres le long d’une haie et… une fleur piquée dans un buisson : un tournesol.
Et aussi le fumoir d’Adam, l’arbre de Bisharah et Anwar… Beaucoup d’étoffes colorées, accrochées aux arbres, beaucoup de boîtes de conserves jaunes transformées en divers ustensiles, des bouteilles en plastique disposées de manière à figurer les limites de pièces invisibles, des bouchons de couleurs, des cartons, des tuyaux, quelques chaises, un arrosoir.
Et puisqu’aucun humain n’apparaît dans ces photographies, il reste le silence, un ciel éternellement bleu et les marques du désir de chacun à recomposer un lieu à soi.
Devant ces clichés où se mêlent l’ingéniosité, la résistance et la nécessité de passer le temps « à la maison » – en quelque sorte – comment ne pas penser aux cabanes improvisée des enfants, de ces jeux où ils font semblant d’entrer dans une pièce délimitée par des chaises renversées et de vieux rideaux ? En attendant de devenir grands, se glissant sous des couvertures maintenues par des pinces à linge ?
Dans la vaste salle du musée, quelque chose le long des murs court et nous dit : « Voilà ! Nous sommes tous pareils. Ce que nous attendons – ce qui, à vous, peut paraître chose naturelle – c’est un toit où nous pourrons être nous-mêmes. Ces vestiges sont la marque de notre rêve. »

Le camp de rétention de Holot a été définitivement fermé en mars 2018.

Dès son ouverture, je me suis senti dérangé par l’existence de ce centre d’un genre étrange au milieu du désert. En même temps, ça m’intéressait de voir comment les gens réagissaient à leur situation.    Ron Amir.

Ron Amir – Journal des Arts

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