Reprise: les théâtres en manque de visibilité et d’impulsion politique

Dans les théâtres publics, les saisons ont commencé à se dévoiler, avec des blancs sur certaines
dates et surtout sur les capacités d’accueil, mais aussi des créations reportées. Chacun attend
un assouplissement de la distanciation. Ainsi la Comédie de Caen dispose d’une jauge de 700
places dans son théâtre d’Hérouville. Avec la règle du siège libre entre chaque spectateur, elle
serait fortement réduite. La billetterie n’ouvrira qu’en septembre, avec l’espoir que le ratio soit
réduit à 1 m2 , ce qui permettrait d’en accueillir 300. Il n’y aura pas d’abonnement cette saison, mais
une adhésion.(…)

À Aix et Marseille, le groupe Les Théâtres (quatre salles) met en vente l’intégralité des jauges, début juin pour les abonnés, puis début juillet pour les autres spectateurs. Mais la saison démarrera plutôt en novembre qu’en septembre. Dominique Bluzet, directeur, confie : «Nous avons d’abord pensé à proposer une billetterie non numérotée.
Puis nous avons constaté que les restaurants pouvaient accueillir des groupes de dix personnes à un
mètre d’écart des autres clients. En reculant notre saison à novembre, nous nous sommes donné le
temps pour que ces règles soient derrière nous. Le plus difficile, ce sera de donner envie aux spectateurs de revenir. »

Sa consœur de la Scène nationale 61, dans l’Orne, Régine Montoya, croit résolument qu’en septembre, «Ça ira mieux. Nous avons le lancement de saison début septembre et un premier spectacle début octobre. Quand je vois la SNCF, le métro, il n’y a pas de raison qu’on ne reçoive pas tout le monde muni de masque obligatoire. Nous, professionnels, devrions prendre la parole différemment. J’en ai assez d’entendre dire qu’il faut se réinventer. Les artistes passent leur temps à cela. Le numérique, les petites formes, ce ne sont tout même pas des découvertes de l’année ! L’essentiel, c’est le lien face à un œuvre vivante parce que tout le monde se retrouve embarqué dans la même
émotion. » Elle constate que la Ville d’Alençon a maintenu son festival d’été (en juillet), les Échappées belles. « J’ai dit au maire d’attendre le dernier moment puisque, de toutes façon, il devrait payer les cachets. »

La nécessité de retrouver le contact avec le public en été fait aussi évoluer les programmations.(….)

Un plan de relance toujours à formuler

 SYNDICATS. Interpellé par la députée du Calvados, Laurence Dumont (PS), le 2 juin
à l’Assemblée nationale, sur la nécessité d’aider les précaires de la culture et les théâtresp publics, Franck Riester n’a toujours pas évoqué de plan de relance, renvoyant à la mesure «unique au monde»
d’année blanche pour les intermittents et aux dispositifs déjà en place. Le Syndicat
national des scènes publiques (SNSP) réclame «un fonds de soutien en direction des artistes, mais aussi auprès de tous les établissements de production et de diffusion, qu’ils soient ou non déjà accompagnés
par les services du ministère de la culture ; une réponse claire et étayée en direction
des équipes artistiques en leur proposant un soutien actif de tous les services de l’État; un appel solennel et puissant à l’ensemble des exécutifs territoriaux de ne pas abandonner leurs services publics
des arts et de la culture.» Le Syndeac travaille avec les autres syndicats de l’USEPSV (syndicats du spectacle vivant public) à formuler des revendications de relance: soutien renforcé aux équipes artistiques et accélération du calendrier de la réforme des aides aux équipes artistiques, accompagnement des pertes de billetterie, renforcement des moyens en raison des coûts des mesures sanitaires, compensation des pertes liées aux annulations et reports… Le Syndeac s’inquiète de ne pas
voir se confirmer encore le dégel de la réserve budgétaire sur les crédits du ministère de la Culture pour l’année 2020: «Le signal adressé par l’État aux collectivités territoriales, s’il ne dégelait pas
au moins le programme 131, risquerait de porter un coup fatal au spectacle vivant.»

Les Français pas encore sereins

Weezevent, spécialiste des systèmes de billetterie, a publié le 4 juin une étude réalisée avec l’IFOP,
entre le 18 et le 20 mai, sur la façon dont les Français projettent leur participation à des
événements dans cette période post-confinement. Il n’est pas sûr que ces résultats rassurent franchement les professionnels du secteur. Parmi les 9 Français sur 10 qui participent à des événements, qu’ils soient culturels, sportifs ou de loisirs, 93% disent être en manque. Ils sont presque autant à être
inquiets d’y participer à nouveau. Seules 13% des personnes interrogées disent vouloir
revenir dans les salles de concerts et de spectacles dès l’ouverture légale (29% ne le feront qu’une fois la crise passée). Des chiffres assez similaires en ce qui concerne les festivals.
Lorsqu’ils sont prêts à revenir assister aux événements, les publics attendent des organisateurs la mise en place, en premier lieu, de mesures sanitaires. Ils seront également attentifs à la proximité physique avec les autres participants et à la configuration des lieux (intérieur ou plein air). Bonne nouvelle
malgré tout: 85% des sondés ne songent pas à réduire le budget qu’ils consacrent à ces
activités événementielles. Un Français sur trois serait prêt à payer plus cher son billet pour
soutenir les organisateurs d’événements.
En cas d’annulation, 5% des personnes envisagent de donner leur billet à la structure. y D. P

«Traiter de façon prioritaire le service public des arts vivant »
Robin Renucci, directeur des Tréteaux de France et président de l’Association des CDN, prépare la création de Britannicus sur les îles de loisirs d’Île-de-France, fin juillet

En tant que président de l’association des CDN, qu’attendez-vous d’un plan de relance?
Une meilleure appréciation de ce qu’est le service public. Nous ne sommes pas au même
endroit qu’une boîte de nuit que je respecte par ailleurs. Il faut traiter de façon prioritaire
le service public des arts vivants, la création nouvelle. Nous sommes de première nécessité. J’ose le dire. Si on ne sent pas les choses de cette manière, on dit le spectacle attendra. C’est une crise biologique, mais c’est aussi une crise de la santé mentale, psychique. Tout ce qu’a annoncé le président dans son
discours, nous en étions heureux, mais c’est déjà ne pas reconnaître ce que nous faisons
tous les jours. On ne confond pas des artistes et des animateurs. C’est mépriser les métiers
des animateurs et des éducateurs. Le président de l’ACDN demande plus de reconnaissance pour ce que font les uns et les autres.
La reconnaissance est financière aussi. Que s’est-il passé depuis le 6 mai? Nous ne voyons
pas venir le plan de relance de la culture.  PROPOS RECUEILLIS PAR YVES PERENNOU

Un appel de Jacques Livchine

Jacques Livchine, directeur avec du théâtre de l’Unité, lance un appel à la profession: «Mes amis de tout le théâtre, j’ai le souvenir d’un mot d’ordre que nous avions inscrit sur le fronton de notre bâtiment,
alors que nous étions à la tête d’une scène nationale à Montbéliard: “Il ne s’agit pas de remplir le théâtre de Montbéliard, mais Montbéliard de théâtre”. Et donc nous nous étions mis à jouer partout
où nous pouvions. Et ce fut une époque mémorable. Et là, une magnifique occasion se présente à tous. Le Covid-19 nous le demande. Envahir la ville de théâtre…
Il existe en France plus de mille compagnies de théâtre dit de rue ou de cirque ou de danse qui adorent flirter avec le pavé des villes. Ne serait-ce pas le moment de se mettre tous ensemble chacun dans
sa région, et jouer jouer jouer pour tous ces gens qui ne passent jamais la porte
de nos établissements ? Évidemment, on demandera au ministère de renoncer exceptionnellement
à ses tableaux Excell qui nous évaluent. Puisqu’il n’y aura pas de billetterie. Cela pourrait être
bien enthousiasmant. À condition que la France entière devienne un terrain d’art tel un champ de coquelicots. L’expérience de la crise de 29 aux USA et de tous les comédiens créant des journaux vivants,
living newspapers pourrait bien nous inspirer. Déjà en Franche-Comté, nous avons commencé avec la conjuration des jardins.»

 

 

 

 

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