« Quoi de neuf au Moyen Âge ?  » En finir avec les sornettes …

Fini les légendes et les contes de fées ! « Quoi de neuf au Moyen Âge ?  » fait la lumière sur une période bien moins obscure qu’on ne l’imagine.
L’exposition « Quoi de neuf au Moyen Age ? »  ouvre ses portes mardi 11 octobre à la Cité des sciences et de l’industrie de Paris présente le renouvellement des connaissances par l’archéologie, en lien avec les disciplines naturalistes, les archéosciences et l’histoire.

Les clichés, boniments et sornettes concernant le Moyen Âge font preuve d’une étonnante vitalité ! 

Formés au cours des quelques 500 ans qui nous séparent de la fin de cette période, ils ont donné naissance à des personnages attachants tout droit sortis des légendes médiévales comme Robin des bois ou le Joueur de flûte de Hamelin, ou encore résolument modernes et folkloriques comme Jacquouille la Fripouille des Visiteurs ou Tyrion Lannister de la série Game of Thrones.

http://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/expos-temporaires/quoi-de-neuf-au-moyen-age/approfondir/

Dans le journal Le Monde :

Si, pour vous, le Moyen Age, (…) c’est une parenthèse honteuse et régressive entre deux âges d’or, l’Antiquité et la Renaissance, vous avez tout faux.

Mais, tout d’abord, de quoi parle-t-on ? Qu’est-ce que le Moyen Age et d’où vient ce nom ? Comme le résume, avec le franc-parler qui la caractérise, Joëlle Burnouf, professeure émérite d’archéologie médiévale à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, « c’est un concept inventé au XVIe siècle (…)

Traditionnellement, le Moyen Age est cette ­période qui court entre deux symboles : la chute de Rome en 476 et celle de Constantinople en 1453 – ou, suivant les auteurs, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492.

Cependant, pour les archéologues, qui se basent non pas sur les textes, souvent autoglorificateurs, écrits par les puissants, mais sur les traces matérielles ­laissées par les peuples dans leur vie quotidienne, les délimitations sont nettement moins tranchées.

« Pour nous, poursuit Joëlle Burnouf, le Moyen Age va jusqu’à la fin du XVIe siècle : la Renaissance n’existe pas en termes de culture matérielle. La vraie rupture est au XVIIsiècle et elle se matérialise par d’autres pratiques agricoles, une autre organisation sociale des catégories rurales, dans la construction, dans les projets urbains et aussi dans… les vaisseliers. »(…)

image: http://s2.lemde.fr/image2x/2016/10/10/534×0/5011230_6_644e_pion-d-un-jeu-d-echecs-en-os-xie_536c7e5be516df95fb511321dc6a52c6.jpg

Pion d’un jeu d’échecs en os (XIe siècle), Pineuilh (Gironde), 2003. Comptant parmi les plus anciens exemplaires connus, cette pièce figurative témoigne d’un statut social élevé.
Pion d’un jeu d’échecs en os (XIe siècle), Pineuilh (Gironde), 2003. Comptant parmi les plus anciens exemplaires connus, cette pièce figurative témoigne d’un statut social élevé. LAURENT PETIT / INRAP

Comme l’explique Isabelle Catteddu, archéologue à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et commissaire scientifique de l’exposition « Quoi de neuf au Moyen Age ? », ces travaux ont enfin « soulevé la moquette » (…) Petit tour de quelques clichés à s’extirper du cerveau.

Issue de l’historiographie britannique des années 1950-1960, l’expression « dark ages », « les âges sombres », s’appliquait à la période allant du IVe au XIsiècle, pour laquelle on n’avait, historiquement, que peu de sources écrites et, archéologiquement, que des nécropoles avec beaucoup d’objets – de « mobilier » disent les spécialistes. Un peu comme si, à l’instar des vampires, Mérovingiens et Carolingiens avaient vécu dans des tombeaux…

« On ne trouvait pas les habitats, explique Isabelle Catteddu, parce qu’ils étaient en matériaux périssables. Comme les seuls textes de cette période-là parlaient des fameuses “invasions barbares”, on imaginait, jusque dans les années 1990, que ces invasions avaient mis à sac la civilisation gallo-romaine, ­ravagé les campagnes, que les gens avaient des ­habitats instables ou plus d’habitat du tout. » D’où l’idée d’une ère sombre de régression et de misère.

Reconstitution d’un moulin à eau sur le chantier médiéval de Guédelon, situé en Puisaye (Yonne), 2014.

En multipliant les décapages de grandes surfaces à partir des années 1990, l’archéologie préventive a fait sortir de terre une autre vision de l’époque, une époque « super dynamique », dit en riant Isabelle Catteddu (…)

On ­entre, par exemple, dans l’âge de la mécanisation. Ainsi, le bassin de la Seine était saturé en moulins à eau – un tous les kilomètres environ – dès le VIIIsiècle. Des moulins non seulement pour faire de la farine mais aussi des moulins à papier, à tan, à foulon, à fer. Le Moyen Age est en effet aussi l’époque où apparaissent les premiers hauts fourneaux et les éléments de la sidérurgie moderne.

L’Europe du Moyen Age n’est pas fermée au reste du monde,  s’y développent des échanges commerciaux et ­culturels, notamment avec le monde arabo-musulman. « Alors qu’on m’avait appris un monde européen extrêmement fermé, poursuit l’archéologue de l’Inrap, on constate au contraire une grande mobilité, un métissage, une circulation des techniques et des courants de pensée, comme à Bagdad où se rencontrent des chrétiens, des juifs, des musulmans. »(…)

« Le château n’existe pas ! », assène avec malice Joëlle Burnouf, en précisant aussitôt qu’elle parle du mot « château » qui « est une invention du XIXsiècle. Au Moyen Age, les élites habitent dans ce qu’on appelle des “maisons”. Ce sont des habitats non pas en hauteur mais à plat, plus ou moins vastes et luxueux. Et quand il s’agit de grandes résidences royales, comme Vincennes, le donjon est un signe de pouvoir géopolitique et pas un instrument de défense. »

Quid des ­fameux châteaux forts alors ? (…) Le château en pierre, qui symbolise le Moyen Age dans l’imaginaire collectif, n’apparaît que tardivement, aux alentours du XIIIe siècle.

Sur le terrain, quand les édifices ont disparu, il n’est pas toujours évident de faire la différence entre les habitats des élites et ceux des autres. « celle-ci apparaît dans l’étude de l’alimentation. (…) La table des élites n’était pas celle du paysan. On y trouvait du gibier, des viandes jeunes comme le cochon de lait ou le veau – car l’archéozoologie peut définir, à partir des dents, l’âge d’abattage des animaux –, du poisson comme l’esturgeon. »

Les textes de l’époque parlent peu des paysans alors que 95 % de la population de la France vit dans les campagnes au Moyen Age.(…)

S’il y a une catégorie de population que l’archéologie a permis de découvrir, c’est bien celle-là. « J’ai fouillé une nécropole de deux mille tombes datant d’une période allant du VIIe au XIsiècle où l’on a travaillé sur les pathologies, les os, les dentitions. Il y avait moins de caries à l’époque qu’aujourd’hui et moins d’ostéoporose grâce à l’activité physique, mais il y avait aussi beaucoup de fractures, des maladies inflammatoires, des carences alimentaires. La mortalité infantile est très importante car un enfant sur deux a du mal à arriver jusqu’à l’âge de 10 ans. Cependant ces chiffres ne sont pas propres au Moyen Age : ils valent jusqu’au XVIIIsiècle et jusqu’à la vaccination. »

En général, les carences alimentaires sont plus dues à un manque de diversification de la nourriture qu’à un déficit en aliments, même si, dès qu’il y a une mauvaise récolte, les populations ­rurales sont les premières à en subir les conséquences à table.(…)

Et pour ce qui est de la saleté mise en scène dans des films comme Les Visiteurs, de Jean-Marie Poiré, ou Le Nom de la rose, de Jean-Jacques ­Annaud, les sources écrites montrent que les ­populations médiévales ont toujours eu conscience du lien entre hygiène et santé.(…)

Si la ville ne s’est pas vue, si elle ne se voit toujours pas, s’il n’en reste rien de bien solide, c’est parce qu’elle a été construite en bois et en terre. Adobe, pisé, colombages… La « pétrification » ne commencera à ­intervenir qu’à partir du XIIsiècle…

Non seulement la ville est là, mais elle se développe sur un schéma original, celui d’un urbain disjoint « polynucléaire ». « On va avoir, explique Joëlle Burnouf, un noyau héritier de la ville antique qu’on appelle la cité et une série d’autres noyaux ­agglomérés autour d’abbayes, autour de nécropoles, autour d’habitats d’élites. Et ce n’est qu’à la fin du Moyen Age que tous ces gens accepteront de se mettre dans ce qu’ils vont appeler la “commune clôture”. Donc la ville ne disparaît pas, elle se porte même très bien et l’armature urbaine de la France actuelle naît là : les agglomérations secondaires et les petites villes sont une production médiévale. »(…)

La ville dans laquelle nous évoluons encore aujourd’hui apparaît réellement au Moyen Age. Joëlle Burnouf, qui prête une attention particulière aux mots et à leur histoire, souligne d’ailleurs que le mot « ville » date du XIIIsiècle. C’est peut-être là le plus beau de la période, cette capacité à réinventer les choses et les mots.

« Quoi de neuf au Moyen Age ? », à la Cité des sciences et de l’industrie, 30, avenue Corentin Cariou, Paris 19e. Jusqu’au 6 août 2017.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/10/10/l-archeologie-demolit-les-cliches-sur-le-moyen-age_5011238_1650684.html#3gde5UZgMEa7mukF.99

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