« Occident », de Remi de Vos, mise en scène Frédéric Dussenne

Théâtre Girasole Avignon

 

J’avais aimé Débrayages de Remi de Vos, mis en scène par Anne-Laure Liégeois, au Volcan, Occident écrit en 2005 est stupéfiant et jubilatoire.

« Putain/ Tu m’as fait peur. Où t’étais ?/ Espèce de pute. / Où t’étais ?/ Sale putain. / C’est tout ?/ Pute de merde./ C’est quoi ton problème ?/ Salope./ Oh tu me parles autrement ! Qu’est-ce que t’as ? T’es maboul ?/ Je vais te tuer. / Encore ! Qu’est-ce que je t’ai fait ? »

Le ton est donné ! Sur scène, un simple rideau de douche tendu. Une femme assise sur une chaise de cuisine. Entre un homme (Philippe Jeusette), apparemment ivre après une virée dont on comprend vite qu’elle est journalière. « Y a rien de plus emmerdant que de discuter avec un mec bourré ». Une suite précipitée de répliques et d’insultes fulgurantes qui semblent récurrentes.
Elle (Valérie Bauchau), ne se laisse pas faire : « Et moi je te balance un truc en travers de la gueule ! » Lui est un « sale facho alcoolique et impuissant », elle, ne cède jamais, répétant à toutes les injures racistes contre les Arabes, les Yougoslaves, les Noirs etc… « C’est des gens comme les autres ». Un vocabulaire cru, des opinions extrémistes. « Et qu’est-ce que tu as fait toi pendant qu’un Yougoslave cassait la gueule à Mohamed ?/ Je regardais les autres. / T’as rien dit du tout. / Je parle pas yougoslave. / »

Passée la stupéfaction, cet échange mené tambour battant comme une mécanique suscite nos rires grâce aux qualités de l’auteur Remi de Vos et au ton imperturbable des comédiens mis en scène par Frédéric Dussenne. « Parce que j’écris plus, je bande plus de la tête ?/ Bravo / T’emploies des métaphores. / Si tu le dis. / T’es une intellectuelle… » ( !!). C’est le rythme, le laconisme, la répétition, mais aussi l’implicite, les jeux de mots, les hyperboles, toutes les ressources de la langue.

Indigence sociale,  affective, conjugale, intellectuelle, on est effaré, avec ce soupçon que rien n’est vraiment inventé…Mais c’est la misère de « l’homme occidental » qui est pointée ici : « Mohamed a arrêté de boire. / Contente de l’apprendre. Tu peux pas faire comme lui ? / Tu comprends pas ce que ça veut dire ?/ Parce que ça veut dire quelque chose ?/ Oui ça veut dire qu’il veut ma mort. » Apparaît en infra-texte une analyse politique sans concession de ses préjugés, sa bonne conscience, son machisme, ses peurs, sa solitude, son goût de la mort.

Pourtant sous ce dialogue expéditif, perce parfois quelque tendresse comme au dénouement : « C’est beau la mer / Tu m’emmènerais au bord de la mer/ Pourquoi pas ».

Ajoutons un mot pour la dernière scène : Philippe Jeusette se déshabille et se met sous la douche ! Finalement ce rideau nous incluait dans la salle de bain de ce couple… Comme le personnage, on est « douchés » par la force du propos ! Rincés. Lessivés ! On en sort abasourdis, bizarrement joyeux,  éclairés par le va et vient entre la crudité des propos et la comédie, les dessous de la vie conjugale, le sordide des opinions et l’Histoire et la politique. Nous sommes partagés entre l’horreur et le rire. Exercice de style efficace, condensé de pensée ingénieux, belle leçon que cette pièce, comme un discours de « vérité » !

Isabelle Royer

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