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Non, ce n’est pas la mort annoncée du texte ….

Samedi 11 juin, au Fitz, le bar du Volcan, avait lieu une nouvelle Grande Conversation organisée par l’association de la Maison de la culture.

Thème : La place du texte dans le théâtre contemporain.

Invités : Marie-Hélène Garnier, comédienne, à qui nous devons cette année Le Grand déballage, une « actrice » de terrain. Joseph Danan, auteur d’art dramatique et professeur, Luc Boucris, chercheur en arts de la scène.

D’autres que moi feront certainement le compte rendu complet de cette très intéressante rencontre. Les questions posées méritaient réflexion.

Face à la disparition dans beaucoup de spectacles actuels du nom du dramaturge au profit de celui du metteur en scène, force est de se demander si l’essentiel n’est pas maintenant ailleurs que dans le texte.

Joseph Danan  n’en est pas persuadé, pour lui le théâtre sans texte est rarissime mais la scène théâtrale est devenue très complexe et la polémique « théâtre du corps/théâtre du texte » ne recouvre pas totalement cette complexité. Le texte garde une place, mais quelle place ? Il n’y a plus UN théâtre mais DES théâtres, qui deviennent « un art à deux temps », celui de l’écriture d’une œuvre dramatique et celui de la mise en scène, d’où une grande diversité que la scène contemporaine met en évidence. Celle-ci, grâce à la multiplicité de ses langages (danse, musique, vidéo, cirque…) parvient mieux à rendre compte de la complexité du monde actuel. L’auteur du texte n’est plus forcément l’auteur de la représentation de son texte. Par ailleurs, l’auteur scénique est une « espèce nouvelle », promue déjà par Artaud.  Il n’a pas forcément besoin d’un texte dramatique en amont. Voir Castellucci.  L’écriture de plateau, le texte écrit de manière collective à partir d’improvisation, sont aussi de nouvelles manières de produire du texte. Voir Pommerat. « On peut faire théâtre de tout », comme disait Vitez, la scène contemporaine est placée sous ce signe-là.

Maire-Hélène Garnier, qui travaille à partir de la parole de gens « anonymes » dans les villes où elle s’installe, parle, elle, d’une écriture directe, une écriture de choc, d’un retour aux origines du théâtre, qui va chercher la poésie et le politique de l’individu, le texte secret, latent, qui dira ce qu’on n’entend pas.

Luc Boucris pose encore d’autres questions. Ce que le spectateur voit alors est-ce du théâtre ou pas ? Tous les théâtres sont-ils attentifs au spectateur et quelle est la place de celui-ci ? Qu’est-ce qui fait œuvre ? Le texte pollue-t-il le théâtre ? Le metteur en scène peut-il faire ce qu’il veut du texte, jusqu’à le faire disparaître ? Questions que posaient déjà Artaud et Craig au début du 20ème siècle. La modernité proclame son désir de rupture pour pouvoir innover, son droit à faire table rase, pour aller à la racine des choses et rendre compte du monde tel qu’il va. Visages nouveaux du langage, hybridations, variations, ce n’est pas la mort du texte. Il vit. Mais différemment.

Et moi, dans mon petit coin, je repense à ces 21 pièces de théâtre que j’ai eu l’occasion de lire le mois dernier. Je faisais partie du jury de lecteurs du festival Terres de Paroles. Nous avions six romans à lire et donc 21 textes dramatiques, tous très contemporains (années 2000), signés par de jeunes dramaturges de plusieurs pays européens et des Etats-Unis. Je n’avais pas l’habitude de lire du théâtre et ce n’était pas évident du tout. Et puis, doucement, j’ai pris le pli…Et samedi, donc, je repensais à ces textes et je me disais que TOUS, sans exception, étaient très écrits. Il y a donc de nombreux jeunes auteurs dramatiques qui continuent à écrire du texte.

La pièce qui a gagné au terme du festival est même sans doute la plus écrite de toutes. C’est « Jecroisenunseuldieu » de l’Italien Stefano Massini. Il s’agit de trois monologues qui se croisent, celui d’une professeur d’histoire juive qui fait partie de la gauche israélienne, celui d’une jeune étudiante Palestinienne qui se prépare au martyre et celui d’ une militaire américaine venue prêter main forte à Israël dans la lutte anti-terroriste. Ce n’est QUE du texte. Et les didascalies de Massini sont claires : pas de décor, une seule actrice pour les 3 femmes, seul un projecteur de couleur différente l’éclairera à chaque changement de voix. Rien d’autre.

Alors, non, c’est vrai, ce n’est pas la mort annoncée du texte…

Véronique Garrigou

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