École : l’expérience réussie du “100 % éducation artistique et culturelle”

Si les inégalités d’accès à la culture ont été pointées du doigt pendant le confinement, Emmanuel Ethis, sociologue et recteur de l’académie de Bretagne, révèle un autre fossé : « Selon le sociologue Pierre Bourdieu, la pire des inégalités face à la culture porte non pas sur la conscience du manque de pratiques, de biens ou d’accès à la culture, mais sur le manque de la conscience du manque.

Emmanuel Ethis maîtrise depuis longtemps l’art d’être spectateur. (…) « Nous sommes pauvres de ce dont on ne peut pas jouir même lorsque le trésor est à notre portée. C’est bien cette réflexion à propos de notre faculté de choisir et de son apprentissage qui doit être le phare de tout programme d’éducation artistique et culturelle reposant sur ce magnifique triptyque de la connaissance des arts, de la pratique artistique et culturelle et de la rencontre avec des artistes. Toutes nos médiations, éditorialisations, recommandations, socialisations culturelles n’ont de sens que si elles nous aident à façonner ce GPS culturel qui permettra d’avoir plus de prises sur l’usage de notre temps pour convertir notre ennui en un authentique sentiment d’exister. »(…)

C’est sans doute à ce point et à cet instant précis que l’éducation artistique et culturelle est en mesure de prendre tout son sens. Depuis la rentrée scolaire 2019, en région académique Bretagne, on expérimente le “100 % éducation artistique et culturelle” en prenant appui sur des projets partagés comme “le quart d’heure de lecture silencieuse” pour tous, le même jour et au même moment, où chacun lit durant quinze minutes le livre qu’il aime.(…)

S’apercevoir que la lecture peut et doit d’abord s’inscrire dans une certaine durée pour déclencher l’envie de poursuivre un récit, c’est donner à chacun des clés pour s’approprier son quotidien, son “patrimoine de proximité”, en y articulant une approche ludique qui vient stimuler un désir d’apprendre où l’apprentissage devient très vite synonyme d’évasion. Nous sommes tous des Edmond Dantès, prisonniers de notre château d’If et, si tant est que l’on rencontre, même à distance, un abbé Faria qui trouve le bon chemin pour nous transmettre connaissances et savoirs, il y a de fortes chances que nous nous interrogions sur ce que signifie la véritable évasion.

C’est aussi cela transformer nos inégalités en intrigues, profitant des circonstances, et ce notamment grâce au pouvoir ludique d’apprendre et de comprendre que l’éducation artistique et culturelle est capable de révéler chez chacun d’entre nous.(…)

Si nos conditions de confinement sont souvent différentes – que l’on dispose d’une immense bibliothèque ou de quelques livres, d’une multiplicité d’abonnements à des plateformes cinéma, séries, musiques ou livres audio, ou de la seule TNT –, nous partageons tous en effet la même expérience : le “comment choisir”. Et c’est ici que s’enracinent les véritables inégalités culturelles.(…)

c’est difficile de trouver quelque chose à lire ou à regarder, qu’on a l’impression qu’on tourne en rond souvent, qu’on aimerait bien aller ailleurs, plus loin — on l’a ressenti plus que jamais ces jours-ci —, mais on ne sait pas trop comment s’y prendre pour choisir, y compris depuis qu’on a Netflix avec des centaines et des centaines de choix… »(…)

C’est bien cette réflexion à propos de notre faculté de choisir et de son apprentissage qui doit être le phare de tout programme d’éducation artistique et culturelle reposant sur ce magnifique triptyque de la connaissance des arts, de la pratique artistique et culturelle et de la rencontre avec des artistes. Toutes nos médiations, éditorialisations, recommandations, socialisations culturelles n’ont de sens que si elles nous aident à façonner ce GPS culturel qui permettra d’avoir plus de prises sur l’usage de notre temps pour convertir notre ennui en un authentique sentiment d’exister.(…)

C’est pourquoi toute politique publique qui souhaite agir sur les inégalités culturelles doit en tout premier lieu se focaliser sur tout ce qui peut nous permettre d’enrichir nos choix en matière d’art et de culture. C’est aussi pourquoi tous les implicites qui façonnent en profondeur nos critères d’orientation et de justification en matière d’art et de culture méritent d’être objectivés et partagés pour enfin substituer la dignité à la condescendance. »

https://www.telerama.fr/enfants/ecole-lexperience-reussie-du-100-education-artistique-et-culturelle%2Cn6640442.php

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