« Mai, juin, juillet », de Denis GUENOUN – Robin RENUCCI

IMPRESSIONS D’AVIGNON – juillet 2014 – (2/2)

Pour lire la première partie de l’article, c’est par ici…
La table ronde du matin, « S’élever d’urgence », animée par Robin Renucci, nous avait mis l’eau à la bouche ! Nous voulions nous aussi « affûter nos outils » à l’évocation des journées palpitantes de l’été 68 que nous avions tous encore à l’esprit.

22h. Place de l’Horloge. Il fait très chaud. Trop chaud même. La troupe aurait-t-elle déjà allumé la « forge » dans l’Opéra-Grand Avignon ? Le théâtre est plein à craquer. Beaucoup de jeunes gens qui s’interpellent joyeusement et qui peinent à caser leurs grandes jambes dans les petites places trop étroites des galeries  les plus élevées. Quel plaisir de sentir tous ces jeunes spectateurs vibrer quand la lumière s’éteint. Nous voilà bien en 68 !

Et c’est parti pour 4 heures  de spectacle ! La troupe va faire revivre avec brio, autour de Robin Renucci  et Marcel Bozonnet  (émouvants  Jean Vilar  et Jean-Louis Barrault), les grands moments de ces trois mois inoubliables : mai, juin et juillet 68. De l’Odéon occupé au Festival d’Avignon contesté en passant par les débats fondateurs des directeurs des Théâtres et Maisons de la Culture réunis à Villeurbanne, le texte de Denis Guénoun restitue l’ « esprit bouillonnant de mai, l’exaltation studieuse de juin et l’excitation frondeuse de juillet ».

Sous la direction magistrale de Christian Schiaretti, directeur du TNP de Villeurbanne, et sa mise en scène inventive et énergique, les 50 jeunes comédiens bondissent sur le plateau ( 50 ! quelle énergie sur scène !…) et rejouent  devant nous les grands heures de l’Odéon, ravivant nos souvenirs. Ils occupent l’espace brillamment, font éclater leur colère, leur fougue, leurs désirs, leurs déchirements. L’élégant  velours cramoisi des loges et des fauteuils tremble face à cette effervescence contestataire. Et nous avec ! De plaisir… Le spectateur palpite devant cette fresque originale qui sort enfin « Mai 68 » des sentiers éculés  colportés à l’envi par de prétendus témoins. On oublie les « critiques » incultes qui  ont si souvent réduit cette belle aventure intellectuelle aux mœurs dissolus d’enfants gâtés irresponsables se plaignant la bouche pleine. Et on revient enfin aux questions généreuses qui ont agité tous ceux qui, jeunes  ou vieux, voulaient inventer une autre approche de la Culture durant ce printemps plein de fièvre. Car ces questions n’ont rien perdu de leur modernité : démocratiser l’accès à la culture et la transmettre aux plus jeunes, célébrer la merveilleuse alchimie qui unissait (qui unit encore) les jeunes et les moins jeunes. Dans le respect des jeunes bien sûr, mais dans le respect de l’âge aussi, car les plus anciens  ne vieillissent pas, ils mûrissent.

Impossible d’évoquer tous les beaux moments de ce spectacle étonnant. Comme ces scènes intimistes où Jean-Louis Barrault assiste impuissant et incompris, aux dégradations de son théâtre occupé, l’Odéon. Ou  quand  Jean Vilar, blessé par le rejet des jeunes révoltés, souffre devant son Festival d’Avignon menacé, l’œuvre de sa vie  contestée, au nom de la modernité du Living Theatre. On sent, émus, que les jours de Vilar seront comptés désormais.

Evidemment, après 4 heures de spectacle dense et très  chargé parfois en discours ardus,  inutilement illustré d’allégories bavardes, on sort de là épuisés. A-t-on affûté nos outils ? S’est-on élevé ? En descendant de nos places haut perchées dans notre « poulailler » on est incapable de trouver une réponse. Il est 2 heures du matin. On verra ça demain…

Les rues sont vides à part quelques joyeux drilles attablés sous les étoiles en train de refaire le monde. Avignon s’endort. On rentre fourbus mais heureux d’avoir assisté à un spectacle ambitieux où la « cohérence l’a emporté sur l’exactitude » pour notre plus grand plaisir. Heureux enfin de constater que nos interrogations de 68 nous portent encore aujourd’hui… !

Christine Baron-Dejours

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