Les temps sont trop sévères pour que l’on renonce à l’espoir, pour que l’on fasse de l’art un objet décoratif et pour que le beau soit séparé du bien et du bon.

C’est parce que l’oeuvre d’art n’est ni tangible, ni matérielle, ni vérifiable, ni réaliste, ni exacte, ni véridique, ni avérée, ni certifiée, ni rationnelle, qu’elle dit la vérité. Car les preuves épuisent la vérité, la réalité défigure le réel, le sens n’est rien d’autre qu’un espoir. Les oeuvres d’art disent la vérité et quand nous avons soif de vérité, quand il nous semble que toutes les perspectives politiques sont devenues trop outrageusement réalistes pour être honnêtes, les oeuvres d’art deviennent la seule vérité qui ne nous accable pas.

Il est vrai que seules les vérités vérifiées ont valeur de vérités véritables. Vérifiées, qu’est-ce que cela veut dire ? Que nous avons fait un chemin, souvent aride, pour nous réunir dans un espoir commun. Les vérités vérifiées ne le sont pas avec des chiffres mais par un écho indicible en nous, un espoir partagé. Mais il ne suffit pas d’être le plus grand nombre pour rétablir la vérité, contrairement à ce que disent les populistes, les démagogues et les marchands. Loin de là, cette réunion, cette soif de vérité ne peut être véritable qu’en étant fièrement minoritaire. Oui, il faut savoir être minoritaire par amour de la Vérité.

Les temps sont au moins très sévères, soit nous sommes écrasés par notre impuissance, soit nous sommes coupables d’indifférence. Par quelle alchimie dans ce tourment intérieur, pouvons-nous penser que l’art est la réponse ? Par quel sursaut pouvons-nous croire encore en la beauté quand elle nous semble complice des forces du désastre ? Et pourtant, il est des heures où l’on ne peut plus se dérober devant ce qu’elle exige de nous. L’homme qui a trouvé une fois auprès de l’art cet éblouissement ne s’en lassera jamais. Il est peu probable qu’il veuille garder cette joie pour lui-même, jalousement, comme un trésor honteux, non, il voudra la transmettre.

Les temps sont trop sévères pour que l’on renonce à l’espoir, pour que l’on fasse de l’art un objet décoratif et pour que le beau soit séparé du bien et du bon. On peut théoriquement imaginer une splendeur indifférente à ses contemporains, mais on ne peut pas en faire du théâtre au sens profond qui, n’en déplaise à certains, est toujours politique.

Politique ne veut pas dire partisan, séculier ou idéologique, puisque le seul fait d’ouvrir encore ce grand théâtre sous les étoiles est politique en soi, quand bien même l’oeuvre dépliée ne parlerait que de rêves amoureux et de nuages désirés…

Toujours changeants, les nuages nous inspirent, ils n’ont pas l’air sérieux, ni très consistants et pourtant leur beauté inlassable exige de nous d’être meilleurs. La vertigineuse immortalité des étoiles peut nous accabler, pas les nuages. Eux au moins n’auront pas le mauvais goût de nous survivre. Et pourquoi le réel serait-il toujours dur, raide, dense, rugueux, immuable et lourd ? Pourquoi le plus réel et le plus véritable ne serait-il pas ce qu’il y a de plus passant, fugitif, indescriptible, mouvant, fragile ? Pourquoi le réel ne serait-il pas comme nous, mortel, errant, incertain ? On ne construit pas l’avenir avec des pierres, mais avec des hommes. On ne construit pas l’espoir avec de l’acier et du béton, on le fait avec des mots. L’écume, le vent, la connivence, les larmes émerveillées, le rire irruptif sont aussi réels que les fondations et les armes. Nous apprenons l’architecture par les nuages, leur engagement politique nous donne espoir.

Le Festival d’Avignon est une vérité qui a un visage et un corps, celui du public, à qui nous devons tout. Le spectateur est un être d’engagement, ouvert, tourné vers l’inconnu, patient, il ne dicte pas à l’art sa parole, il ne présume pas de ce qui est beau, il écoute en lui un fracas émotionnel vital. S’il est turbulent c’est au nom de la fraternité, s’il est excessif c’est au nom de la liberté, s’il est exigeant c’est au nom de l’égalité.

Oui, les implications de la démocratie culturelle sont si grandes qu’elles ne laissent pas en paix les vendeurs d’avenirs formatés, les agitateurs de conflits imaginaires et les pessimismes cyniques et prédateurs. Comme les nuages, les merveilleux nuages, nous ne faisons que passer et nous réunir dans l’espoir d’une vérité plus grande.

L’édito d’Olivier Py

En savoir plus sur http://www.sceneweb.fr/laffiche-du-festival-davignon-2017-est-signee-ronan-barrot/#BPBiDUW2tT474J34.99

 
PROGRAMME
 

http://culturebox.francetvinfo.fr/theatre/festival-d-avignon-2017-demandez-le-programme-253999

Les femmes seront à l’honneur cette année au Festival d’Avignon, a souligné mercredi son directeur Olivier Py, en dévoilant le programme des réjouissances de cette 71e édition. L’Afrique sera également en vedette avec sept spectacles, dont « Femme noire » de Léopold Sédar Senghor avec Angélique Kidjo et Isaach de Bancolé présenté en clôture dans la cour d’honneur.

Femmes en résistance

Cette année, le programme affiche 34 créations sur 41 spectacles au total. « Il n’y a jamais eu autant de femmes », a souligné Olivier Py. Elles portent 37% des projets du festival.
Deux femmes, deux « figures de résistance » donneront le ton : Antigone dans la cour d’honneur et … Christiane Taubira, auteur d’un feuilleton quotidien sur les grands textes de la démocratie.
 
« Il y a l’idée d’une résistance qui passe par les femmes, des femmes en lutte contre le patriarcat, contre une loi qui n’a pas de sens, pour revendiquer plus d’humanité, particulièrement chez les femmes africaines, qui est la région du monde invitée au festival, avec sept spectacles » explique Olivier Py.
C’est le Japonais Satoshi Miyagi, auteur d’un « Mahabharata » enchanteur à Avignon en 2014 qui ouvrira le bal le 6 juillet dans la Cour d’honneur du palais des papes avec « Antigone » de Sophocle. Un plan d’eau doit « inonder la Cour »: « Satoshi Miyagi s’inspire d’un théâtre de marionnettes indonésien sur l’eau » décrit Olivier Py.
 
Renouant avec le principe du feuilleton quotidien donné tous les midi gratuitement dans un jardin d’Avignon, Olivier Py a demandé à l’ancienne Garde des Sceaux Christiane Taubira d’écrire « une sorte de grande leçon de démocratie » à partir de textes fondateurs de la conquête des droits. Le feuilleton, joué par des amateurs, des acteurs et des étudiants du Conservatoire, sera mis en scène par Anne-Marie Liégeois sous le titre « On aura tout ».

L’Afrique à l’honneur

L’Afrique est en vedette, avec notamment « Unwanted » de la Britannique d’origine rwandaise Dorothée Munyaneza, sur les enfants nés de viols pendant le génocide au Rwanda.
 
Le Sud-africain Boyzie Cekwana monte « The last King of Kakfontein » (littéralement « fontaine de caca »), spectacle grinçant sur la désillusion de l’après-Apartheid.
 
Dans « Kalakuta Republik » le chorégraphe burkinabé Serge Aimé Coulibaly évoque la « république » fondée à Lagos dans les années 70 par le musicien et homme politique nigérian Fela Kuti.
 
En clôture du festival, la Cour d’honneur accueille le 26 juillet « Femme noire » de Léopold Sédar Senghor, avec Angélique Kidjo, Isaach de Bankolé et le musicien Manu Dibango. 
 

« Dans les ruines d’Athènes », Molière, Genet et flamenco

Le Birgit Ensemble, formé de Julie Bertin et Jade Herbulot scrute pour sa part les soubresauts de l’Europe: après « Berliner Mauer » (le mur de Berlin) il y a deux ans, la compagnie monte « Memories of Sarajevo » et « Dans les ruines d’Athènes ».
 
Le deuxième spectacle dans la Cour accueillera Israel Galvan, figure du renouveau du flamenco, avec « La fiesta », qui mettra aussi en scène une danseuse de buto.
 
Parmi les grands noms du théâtre européen, Frank Castorf fait ses adieux à la célèbre Volksbühne de Berlin avec un spectacle franco-allemand, « Le roman de Monsieur de Molière » d’après le Russe Boulgakov, où « il ne renonce pas à la démesure », selon Olivier Py.
 
La Britannique Katie Mitchell donne sa vision féministe de la pièce de Jean Genet « Les Bonnes », sans utiliser la vidéo qui avait jusqu’à présent fait sa marque de fabrique, mais avec un homme dans le rôle de « Madame ».
 
Emma Dante, qui avait donné les bouleversantes « Soeurs Macaluso » en 2014, revient avec « Bêtes de scène » qui met l’Homme à nu, au propre comme au figuré!

« Les Parisiens », une création d’Olivier Py  

Le Belge Guy Cassiers, qui a monté une version glaçante des « Bienveillantes » de Jonathan Littell en 2016 propose à Avignon « Le Sec et l’Humide », autre récit de l’auteur franco-américain à propos du fasciste Léon Degrelle.
 
Tiago Rodrigues a été chercher la souffleuse du théâtre national de Lisbonne qu’il dirige pour monter « Souffle ».
 
Quant au patron du festival Olivier Py, il crée « Les Parisiens », adaptation de son dernier et copieux roman. « C’est Paris sous son plus mauvais jour », dit-il. « J’ai voulu raconter une sorte d’effondrement du politique et comment des réseaux obscurs arrivent à remplacer l’intérêt général ».
 
Pas de festival d’Avignon sans un marathon théâtral: ce sera « Les Atrides: huit portraits de famille », mis en scène par l’Italien Antonio Latella. Huit pièces, chacune d’un auteur différent, données à raison de quatre par jour: de quoi nourrir tous les appétits de théâtre.

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